L’article L.1226-2-1 du Code du travail relatif à l’inaptitude d’origine non professionnelle prévoit que l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié déclaré inapte que s’il justifie :

  • Ou bien de son impossibilité de proposer un emploi au titre de la recherche de reclassement que lui impose l’article L.1226-2 du Code du travail ;
  • Ou bien du refus par le salarié de l’emploi proposé à ce titre ;
  • Ou bien de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

En l’espèce, le médecin du travail s’était légèrement écarté de la formulation de l’article L.1226-2-1 du Code du travail en n’indiquant pas que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », mais que « tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

L’employeur avait considéré que cette formulation, très proche de celle de l’article L.1226-2-1 du Code du travail, constituait une dispense de reclassement l’autorisant à procéder, sans aucune démarche préalable supplémentaire, au licenciement du salarié en raison de l’impossibilité de procéder à son reclassement à la suite de son inaptitude non-professionnelle constatée par le médecin du travail, et ce en raison de la mention d’un cas de dispense conforme à l’article L.1226-2-1 du Code du travail sur l’avis d’inaptitude.

Telle n’a pas été l’appréciation de la Cour d’appel d’Amiens qui a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse en raison de l’absence de dispense conforme à l’article L.1226-2-1 du Code du travail.

Cette analyse est confirmée par la Cour de cassation qui retient que, dès lors que « l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, (…) l’employeur n’était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel » et que, en s’abstenant de respecter lesdites obligations, l’employeur a manqué à son obligation de reclassement rendant ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision de la Cour de cassation, publiée au Bulletin, confirme la sévérité de la Haute Juridiction s’agissant de l’interprétation des cas de dispense mentionnés sur les avis d’inaptitude. Rappelons que par un arrêt du 08 février 2023, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’avis d’inaptitude mentionnant que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement non pas « dans un emploi » mais « dans l’entreprise » ne dispensait pas l’employeur de rechercher un reclassement au sein du groupe et que le licenciement non précédé d’une telle recherche était nécessairement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 08/02/2023 n° 21-11356).

Conseil : il convient de se montrer particulièrement vigilant quant à l’interprétation des cas de dispense mentionnés sur les avis d’inaptitude. Faute pour le médecin du travail de se référer, de manière exacte, aux dispenses prévues par le Code du travail (ce qui sera notamment le cas s’il se contente de cocher les cases prévues à cet effet sur les avis d’inaptitude), par prudence, il sera toujours préférable de considérer que la dispense n’est pas valable et de mettre en œuvre la procédure de recherche d’un poste de reclassement. Par ailleurs, s’il existe un doute quant à l’interprétation de l’avis, l’employeur a tout intérêt à interroger le médecin du travail quant à la portée de son avis, la Cour de cassation ayant par ailleurs considéré que les réponses apportées postérieurement au constat régulier d’inaptitude par le médecin du travail sur les possibilités éventuelles de reclassement concourent à la justification par l’employeur de l’impossibilité de remplir cette obligation (Cass. Soc. 01/03/2023 n° 21-14493).

Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail