Depuis la loi du 08 août 2016 dite « Loi travail » ou encore « Loi El Khomri », l’article L.1233-3 du Code du travail fixe des critères d’appréciation du motif économique de licenciement. Ainsi, il prévoit que les difficultés économiques sont caractérisées par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

  • Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
  • Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
  • Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

Le 1er juin dernier, la Cour de cassation a rendu le premier arrêt relatif à l’application desdits critères.

Dans cette décision, la Haute juridiction rappelle que selon sa jurisprudence constante, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci. Elle en déduit que la durée d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, telle que définie par l’article L.1233-3 1° du Code du travail, s’apprécie en comparant le niveau de commande ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période.

En l’espèce, l’employeur caractérisait bien une baisse significative de son chiffre d’affaires pendant quatre trimestres consécutifs, à savoir les quatre trimestres de l’exercice 2016, par rapport aux quatre trimestres de l’exercice 2015.

Cependant, au premier trimestre 2017 et étant précisé que la rupture du contrat de travail est intervenue en date du 14 juillet 2017, le chiffre d’affaires de l’entreprise était remonté de 0,5% par rapport au premier trimestre 2016. La salariée concernée faisait donc valoir que l’employeur ne caractérisait pas une baisse de chiffre d’affaires pendant quatre trimestres consécutifs « à la date de la rupture de son contrat de travail ».

La Cour de cassation donne raison à la salariée en considérant que « la durée de la baisse du chiffre d’affaires en comparaison avec la même période de l’année précédente, n’égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de 300 salariés ».

Ainsi, force est de constater que la Cour de cassation fait une application très stricte des critères fixés par l’article L.1233-3 du Code du travail, et qu’il convient de se montrer particulièrement vigilant lors de la mise en place d’une procédure de licenciement pour motif économique en anticipant notamment le temps nécessaire à la mise en place de ladite procédure et l’évolution éventuelle de son activité pendant cette période, la Cour de cassation ne précisant pas la période qui aurait dû être retenue en l’espèce (4 trimestres à compter du 1er trimestre 2017, seul connu au moment de l’engagement de la procédure ; ou 4 trimestres consécutifs à compter du second trimestre 2017, dernier trimestre clos à la date de la rupture).

Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail