En vertu des articles L.232-21 à L.232-26 du Code de commerce, la plupart des sociétés commerciales sont tenues de déposer leurs comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce, afin qu’ils soient annexés au registre du commerce et des sociétés dans un délai déterminé.

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation du 03 mars 2021 est relatif à une action intentée par des sociétés distributrices à l’encontre de leur fournisseur en vue d’obtenir de ce dernier le dépôt de ses comptes sociaux, alors qu’il y était obligé par la loi. Cette décision apporte deux précisions. L’une est relative aux actions possibles pour solliciter en justice le dépôt des comptes et l’autre est relative au délai de prescription (Cass. com., 03/03/2021, n°19-10.086, P+B).

D’une part, et s’agissant des actions judiciaires ouvertes à tout intéressé pour solliciter le dépôt des comptes sociaux, elles sont prévues par deux textes spéciaux :

  • L’article L.123-5-1 du Code de commerce, qui dispose notamment que tout intéressé pour demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt de documents qui doivent obligatoirement être déposés au greffe en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ;
  • L’article R.210-18 du Code de commerce, qui permet à tout intéressé de solliciter au Président du tribunal de commerce statuant en référé de désigner un mandataire chargé d’accomplir une formalité de publicité ne portant ni sur la constitution de société, ni sur la modification des statuts, qui aurait été omise ou irrégulièrement accomplie.

Toutefois, ces deux actions qui relèvent de textes spéciaux, ne sont pas exclusives de celle directement fondée sur l’article L.232-23 du Code de commerce, article qui fait obligation aux sociétés par actions et non pas aux dirigeants de déposer leurs comptes. Ainsi, toute personne intéressée peut assigner en référé une société pour qu’elle satisfasse à son obligation de dépôt des comptes sociaux.

Les fondements permettant à tout intéressé de solliciter le dépôt des comptes sociaux d’une société sont donc multiples.

D’autre part, s’agissant de la question relative à la prescription, les demandeurs l’invoquaient sur le fondement de l’article 1844-14 du Code civil. La Cour de cassation rejette cet argument, estimant que les comptes sociaux des années 2008 à 2015 devaient être publiés. L’exclusion de l’article 1844-14 du Code civil est logique dans la mesure où ce texte est relatif aux actions en nullité intentées à l’encontre des sociétés, ce qui n’est pas l’hypothèse d’espèce. Toutefois, la Cour de cassation n’étant pas saisie de cette question, elle ne se prononce pas sur la possible prescription de cinq ans prévue par l’article L.110-4 du Code de commerce.

Il faut rappeler que l’obligation de dépôt des comptes annuels ne concerne pas toutes les sociétés de la même manière. Certaines sont soumises à des conditions de dépôt des comptes allégées. Par exemple cela concerne par principe et sauf exceptions prévues par les textes :

  • Les petites entreprises (dont deux des trois seuils suivants n’est pas dépassé au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle : le total du bilan est fixé à 6 000 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 12 000 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 50) adoptent une présentation simplifiée et peuvent demander à ce que le compte de résultat ne soit pas rendu public ;
  • Les moyennes entreprises (dont deux des trois seuils suivants n’est pas dépassé au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle : le total du bilan est fixé à 20 000 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 40 000 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 250) peuvent adopter une présentation simplifiée de leur compte de résultat et peuvent demander à ce que seule une présentation simplifiée soit rendue publique ;
  • Les micro entreprises (dont deux des trois seuils suivants n’est pas dépassé au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle : le total du bilan est fixé à 350 000 euros, le montant net du chiffre d’affaires à 700 000 euros et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice à 10), peuvent choisir de rendre confidentiel le dépôt des comptes sociaux.

Les sociétés holding qui détiennent des participations ne sont pas concernées par ces allégements.

Conseil : l’obligation de déposer les comptes sociaux auprès du greffe du tribunal de commerce doit être respectée pour les sociétés qui y sont obligées. A défaut, la société en question peut en subir les conséquences, et les personnes intéressées disposent de multiples recours pour l’y contraindre.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial,
Clémence LARGERON,
Marine COMTE.