Au cours de la période d’urgence sanitaire, des mesures ont été prises pour encourager les bailleurs à consentir des abandons de loyers du 15 avril jusqu’au 31 décembre 2020, afin de soutenir les petites entreprises dans leurs difficultés économiques liées au COVID 19.

Le traitement fiscal de ces abandons de loyer a été clarifié dans la seconde loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Il diffère selon les modalités de taxation des loyers : revenus fonciers, bénéfices industriels et commerciaux ou bénéfice non commerciaux (pour les sous-locations).

Pour les bailleurs :

  • Imposés dans la catégorie des revenus fonciers (Article 14 B du CGI)

En principe, un tel abandon de loyer est considéré comme une libéralité au bénéfice du preneur et n’est pas déductible chez le bailleur si ce dernier ne peut justifier que le défaut de paiement résulte de circonstances indépendantes de sa volonté.

La loi de finances rectificative modifie l’article 14 B du CGI et crée un principe général d’absence d’imposition des abandons de loyers consentis sur la période de référence précitée, à condition que le preneur du bail n’ait pas de lien de dépendance avec le bailleur (détention de la majorité du capital social, ou exercice factuel du pouvoir de décision ou si bailleur et preneur sont contrôlés tous deux par une entreprise tierce). Par exception, si le preneur est un ascendant, descendant ou membre du foyer fiscal du bailleur, la neutralité de l’abandon de loyer ne sera octroyée qu’à condition de pouvoir justifier de la réalité des difficultés économique du preneur.

Le texte précise que les charges afférentes à l’immeuble restent déductibles du revenu imposable.

  • Imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (Articles 39-1 9° ; 39-13 et 209 I du CGI)

Dans le cadre des bénéfices industriels et commerciaux, le résultat fiscal est déterminé selon le principe de la comptabilité d’engagement, c’est-à-dire que les recettes sont comptabilisées quand elles sont acquises (et non réglées), et les dettes, engagées (et non payées).

Aussi, les loyers abandonnés restent inscrits comptablement en recettes dès lors que ce sont des créances acquises. Corrélativement, pour assurer la neutralité fiscale, le législateur admet que les abandons de loyers constituent une charge déductible pour le bailleur.

Jusqu’à présent, seuls étaient déductibles les abandons de créance à caractère commercial, c’est-à-dire dans le cadre de relations commerciales suivies permettant soit de maintenir des débouchés, soit des sources d’approvisionnement. Les autres abandons de créance, à caractère financier notamment, n’étaient déductibles que dans des conditions strictes et depuis 2012, uniquement lorsqu’ils étaient consentis à des entreprises en difficultés financières faisant l’objet de procédures collectives ou de liquidations judiciaires.

De la même manière que précédemment, la déductibilité de principe est subordonnée à l’absence de liens de dépendance. En présence de liens de dépendance, l’abandon de créance devra présenter les conditions habituelles de déductibilité de droit commun, c’est-à-dire, soit avoir un caractère commercial et relever d’une gestion normale, c’est-à-dire être exposé dans l’intérêt direct de l’entreprise, soit s’il à un caractère financier, être consenti à une entreprise en difficultés financières faisant l’objet d’une procédure collective ou liquidation judiciaire.

  • Imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (sous-location) (articles 92 B et 93 A I du CGI)

Les bénéficiaires de bénéfices non commerciaux voient leur résultat fiscal déterminé selon les règles de la comptabilité de trésorerie, sauf option pour la comptabilité d’engagement. Pour ne pas pénaliser les contribuables relevant de l’un ou l’autre de ces modalités comptables, le législateur a également prévu, soit que l’abandon ne serait pas une recette imposable, si le bailleur relève de la comptabilité de trésorerie, soit que l’abandon serait une charge déductible s’il relève de la comptabilité d’engagement, dans les mêmes conditions qu’édictées ci-avant.

Pour les preneurs :

Pour les entreprises relevant de la comptabilité d’engagement, l’abandon de créance qui leur est consenti, sera un produit imposable dans la catégorie des produits exceptionnels, qui se compensera avec la charge de loyer correspondante régulièrement comptabilisée.

Pour les entreprises bénéficiaires de l’abandon de loyers relevant de l’impôt sur les sociétés et qui utilisent la faculté de reporter en avant le déficit subis au cours d’un exercice, ces dernières pourront majorer le plafond habituel d’1 M + 50% du bénéfice imposable excédant ce dernier montant, du montant de l’abandon de loyers consenti, rendant le dispositif encore plus efficace les concernant.

Pour les entreprises relevant de la comptabilité de trésorerie (type BNC classique), en l’absence de charge, l’abandon de créance sera indirectement taxé dans le résultat de ce dernier.

Conseil : il conviendra de bien documenter les circonstances dans lesquelles interviennent les abandons de loyers en cas de contrôle ultérieur de l’administration.

Loi de Finances rectificative pour 2020, article 3 I-1°

Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal, Alexandra GASC-MIZIAN, avocat