L’article L. 64 du Livre des Procédure Fiscales (LPF) envisage la question de l’abus de droit en ouvrant la possibilité à l’administration fiscale d’écarter tous les actes constitutifs d’un abus de droit. Ces derniers sont qualifiés ainsi lorsqu’ils « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »

Le gain fiscal réalisé par le contribuable est une composante essentielle dans la qualification de l’abus de droit. Le Conseil d’État s’était déjà prononcé à cet égard dans l’affaire SARL Pharmacie des Chalonges (CE 05-03-2007 n° 284457) indiquant qu’un acte ayant pour unique but d’atténuer l’impôt ne peut pas être écarté pour abus de droit si la charge fiscale du contribuable ne se trouve pas modifiée par cet acte.

Récemment, le Conseil d’État a dû s’interroger à nouveau sur la thématique de l’abus de droit notamment au regard de la présence ou non d’un gain fiscal (CE 12-12-2023 n°470038 et n°470039).

En l’espèce, en application de l’article L. 64 du LPF, l’administration fiscale a écarté un montage fiscal réalisé par l’interposition d’une société luxembourgeoise (dépourvue de substance économique réelle) entre les associés et une société française qui avait pour but de distribuer des dividendes aux associés en franchise d’impôt.

Les associés ont saisi le Comité de l’abus de droit qui a donné un avis en faveur de l’administration fiscale. Puis, le tribunal administratif et la Cour administrative d’appel ont donné raison à l’administration fiscale.

Les juges du Conseil d’État ont dû statuer sur le droit de l’administration fiscale à invoquer l’abus de droit alors que les associés en cause auraient pu percevoir les mêmes dividendes en franchise d’impôt au moyen d’autres actes réguliers.

Pour se défendre, les associés arguaient du fait qu’ils auraient pu se distribuer les mêmes dividendes en franchise d’impôt au moyen d’un procédé qui ne présentait pas d’abus de droit. Ce moyen de défense n’a pas convaincu les juges du Conseil d’État.

Ce montage artificiel était pourtant sans incidence sur le gain d’impôt puisque qu’il aurait été identique si les deux associés avaient usé de moyens réguliers.

Cependant, le mécanisme de l’abus de droit permet de protéger le Trésor public de la perte de recettes fiscales face à des actes qui ont pour but d’éluder l’impôt. Or, dans cette affaire, si les associés avaient utilisé d’autres moyens réguliers, ils auraient pu se distribuer des dividendes en franchise d’impôt. Le résultat aurait été le même mais les moyens mis en œuvre pour y parvenir étaient irréguliers. Finalement, par cette affaire, c’est l’intention du contribuable qui est sanctionnée par l’abus de droit et non l’existence d’un gain fiscal.

Le contribuable doit veiller (ainsi que son conseil) a utiliser des régimes fiscaux réguliers et ne pas utiliser de montages répréhensibles alors que d’autres permettent d’atteindre le même résultat.

Me Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal et Clémence THIBAUD, élève-avocate