A l’occasion d’opérations de restructuration, des contribuables ont créé des sociétés civiles de gestion de participation ayant opté à l’impôt sur les sociétés, auxquelles ils ont apporté les titres d’une société qu’ils avaient obtenu dans le cadre d’opérations de management package.

L’apport a été placé sous le régime du sursis d’imposition dès lors que les titres apportés ne permettaient pas de prendre le contrôle de la société considérée. Un mois après l’apport, la société apportée a procédé au rachat de ses propres titres. La plus-value dégagée par l’opération a été nulle, le rachat s’étant opéré au prix identique à la valeur d’apport.

A l’issue d’un contrôle, l’administration a considéré que les opérations d’apport, préalable au rachat de ses titres par la société, avait eu pour seul objet d’éviter l’imposition immédiate qu’il aurait résulté du rachat des titres par la société en l’absence d’une telle société civile de gestion de participation.

L’administration a alors utilisé la procédure d’abus de droit sur le fondement de l’article L 64 du LPF, lui rendant inopposable la constitution de la société interposée et permettant d’imposer directement les contribuables avec une majoration de 80%. Elle a, en outre, considéré que 65% du gain correspondant au montant de la plus-value était imposable dans la catégorie des traitements et salaires.

Saisi par les contribuables, le Tribunal Administratif de Paris a considéré que le gain dégagé par les contribuables ne s’analysait pas en traitements et salaires mais bien en plus-value et a prononcé la décharge d’imposition au profit des contribuables sur ce point. Les contribuables ont saisi la Cour Administrative d’appel de Paris pour obtenir la décharge complémentaire d’impôt sur le revenu constitué par l’imposition de la plus-value, le sursis ayant été considéré comme inopposable par l’administration fiscale.

La Cour Administrative d’Appel a maintenu la qualification d’abus de droit et rétabli l’imposition relative à la requalification des gains en traitements et salaires.

Le Conseil d’Etat, dans plusieurs arrêts rendus le même jour sur des cas d’espèce similaires, a considéré qu’un abus de droit était bien constitué en l’espèce.

Se fondant sur l’article 150-0 B du CGI et les travaux parlementaires relatifs à l’adoption du texte, les juges ont rappelé que le législateur avait entendu faciliter les restructurations d’entreprise et favoriser la création et le développement de celles-ci par l’octroi automatique d’un sursis d’imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations ne dégageant pas de liquidités.

Après avoir rappelé la chronologie des opérations et notamment l’intervention presque simultanée de l’apport des titres à la société civile de participation à l’IS, puis la cession par la société civile des titres apportés, les juges ont considéré que les différentes opérations avaient permis aux contribuables d‘entrer artificiellement dans les prévisions de l’article 150-0 B du CGI en évitant l’imposition à laquelle ils auraient été soumise s’ils avaient vendu directement les titres. Ainsi, la création de la société civile de participation par apport des titres à cette dernière et la revente immédiate des titres de la filiale apportée, caractérisent la poursuite d’un but exclusivement fiscal, en contrariété avec l’objectif poursuivi par le législateur.

Toutefois, contrairement à ce qu’avait jugé la Cour Administrative d’Appel, le Conseil d‘Etat n’a pas validé la requalification du gain en traitement et salaires, faute pour la Cour Administrative d’Appel d’avoir caractérisé l’avantage financier consenti aux contribuables à raison de leurs fonctions de cadres dirigeants.

Nul doute que la juridiction de renvoi sera vigilante à assurer une telle qualification des faits.

Conseil : cet arrêt concerne des faits intervenus alors que la nouvelle disposition relative au « mini-abus de droit » n’avait pas encore été adoptée. Il importe aujourd’hui d’être bien conseillé dans le cadre des opérations de restructuration afin de s’assurer que ces dernières ne comportent pas de risque de remise en cause sur ces deux fondements.

CE 10ème et 9ème CH. 12/02/2020 n°421444,421441

Me Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal

Me Alexandra GASC-MIZIAN, avocat