A l’heure où la question de savoir si l’on peut tout dire sur internet est plus que jamais au cœur de l’actualité, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 13 novembre 2020 nous permet de revenir sur les précautions que doivent prendre le responsable, ou administrateur, d’un compte sur un réseau social (CA Paris, 4ème ch. De l’instruction, 13 nov. 2020).
En l’espèce, le créateur et administrateur d’une page Facebook a été l’objet d’une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation.
La diffamation est un délit défini par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. Savoir qui est responsable d’un acte de diffamation peut se révéler épineux lorsque la personne agit par l’intermédiaire d’un écran. C’est pourquoi la loi sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982 (telle que modifiée par une loi de 2009) prévoit une chaine de responsabilité dans le cas où le délit de diffamation est commis par voie électronique. Si le véritable auteur du propos diffamatoire ne peut être identifié, d’autres personnes peuvent voir leur responsabilité engagée, tel que le producteur. Or, peut être qualifié de producteur la personne ayant pris l’initiative de créer un service de communication au public (Cass. crim., 16 févr. 2010 n°09-81.064)
Toutefois, le créateur ou animateur d’un site de communication au public en qualité de producteur se verra exonéré de sa responsabilité pour le contenu d’un message adressé par un internaute dont il n’avait pas connaissance avant sa mise en ligne (Conseil constitutionnel, 16 sept. 2011, n°2011-164 QPC).
En l’espèce, le prévenu contestait être l’auteur des propos diffamatoires, indiquant que l’ordinateur qu’il utilisait pour administrer sa page Facebook se trouvait dans un espace public où plusieurs personnes pouvaient y avoir accès.
La Cour d’appel relève que s’il n’est pas établi que l’administrateur de la page était l’auteur du message diffamatoire, il ne pouvait pas non plus être exonéré au motif qu’il n’aurait pas eu connaissance du message écris par l’internaute, dans la mesure où le message venait de son propre compte et non pas d’un internaute.
Le juge d’instruction doit donc déterminer si l’administrateur de la page peut être considéré comme un producteur, afin de savoir si sa responsabilité pénale peut être engagée.
Conseil : l’utilisation des réseaux sociaux dans le milieu professionnel peut avoir des vertus mais nécessite une attention particulière dans la mesure où l’entreprise peut voir sa responsabilité engagée si une personne malveillante utilise le compte de l’entreprise pour diffuser des messages diffamatoires. Il faut donc veiller à désigner un responsable en charge de la communication sur les réseaux sociaux et limiter les accès aux mots de passes, tout en veillant à bien ferme les sessions après utilisation pour éviter d’avoir de mauvaises surprises.
Me Jean-Pascal CHAZAL Avocat spécialiste en Droit commercial
Marine COMTE Master droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies