Par une décision du 18 septembre 2025 (n°23-24.005), la Cour de cassation a rappelé que le locataire peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser de payer les loyers lorsque le locataire ne peut pas utiliser les locaux pour lesquels ils étaient destinés en raison d’un manquement par le bailleur lui-même à ses obligations contractuelles.
En effet, le bailleur et le locataire doivent respecter chacun des obligations.
- Le bailleur est tenu à plusieurs obligations : d’entretien, de faire jouir paisiblement et de délivrer les locaux pour l’usage auxquels ils sont destinés (article 1719 du Code civil). Plus particulièrement, l’obligation de délivrance constitue une obligation essentielle à laquelle le bailleur ne peut pas déroger.
- Le locataire est tenu d’user de la chose louée raisonnablement et de payer les loyers (article 1728 du Code civil). Normalement, le locataire ne peut valablement suspendre le paiement du loyer en raison de manquements du bailleur à ses obligations.
Il est désormais admis que le locataire peut refuser d’exécuter son obligation de payer le prix des loyers lorsque le bailleur manque à son obligation de délivrance des lieux loués, laquelle, il est rappelé, est une obligation essentielle incombant au bailleur (Cass civ. 8 juin 1988, n°87-11.107 ; Cass civ 3ème, 13 juillet 2010, n°09-15.409).
En l’occurrence, la Cour de cassation censure les juges du fonds qui ont condamné le locataire à payer les loyers au bailleur en ce qu’ils avaient exigé une mise en demeure préalable par le locataire informant la bailleresse de l’état du local et de l’impossibilité de l’exploiter.
Cet arrêt a été rendu avant la réforme du droit des obligations par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. La Cour de cassation vise l’ancien article 1184, alinéa 1er, du code civil concernant la clause résolutoire des contrats car l’exception d’inexécution, avant la réforme du droit des contrats de 2016, était jurisprudentielle.
Depuis ladite réforme, l’exception d’inexécution a été codifiée à l’article 1219 du Code civil qui dispose que « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
Ce texte n’exige donc aucune mise en demeure préalable ni aucune notification particulière par le locataire, de sorte que cette décision ne devrait pas être remise en cause sous le régime des nouveaux textes.
Ce faisant, il revient au locataire de démontrer que les manquements sont suffisamment graves pour justifier la suspension par le locataire du paiement des loyers. Tel devrait être le cas si les locaux loués sont impropres à l’usage auxquels ils étaient destinés ou si le locataire est dans l’impossibilité absolue de les utiliser conformément à la destination du bail.
Conseil : le locataire ne peut pas suspendre le paiement de ses loyers pour n’importe quelle raison et au regard de n’importe quel manquement du bailleur.
Le locataire peut se prévaloir de l’exception d’inexécution qu’à la condition que :
- en raison des manquements du bailleur, les locaux soient impropres à l’usage auxquels ils étaient destinés,
- ce manquement soit suffisamment grave,
- que le locataire prouve la gravité,
- sans toutefois avoir à mettre en demeure préalablement le bailleur.
Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Clémence LARGERON, Avocat en droit commercial
