Pour déclarer conforme à la Constitution les dispositions du Code de commerce (art. L.145-14), qui imposent au bailleur refusant le renouvellement du bail commercial le paiement au locataire d’une indemnité d’éviction correspondant à la valeur marchande du fonds de commerce, le Conseil constitutionnel s’est livré à un raisonnement consistant en une balance d’intérêts (2020-887 QPC 5 mars 2021).

Il a mis en balance le droit de propriété, qui n’est autre que le rapport entre des personnes à propos d’une chose, à savoir, une relation entre le bailleur et son locataire relativement à l’immeuble loué, laquelle implique de déterminer lequel des deux intérêts on décide de faire prévaloir sur l’autre. En l’espèce, ce sont les intérêts du locataire qui ont prévalu ; après tout, c’est aussi un propriétaire : propriétaire de son fonds de commerce, lequel contient le droit au bail.

Selon le Conseil constitutionnel, le paiement d’une indemnité d’éviction est susceptible d’éviter que la « viabilité » de l’entreprise du locataire soit compromise (caractérisant l’objectif d’intérêt général selon le Conseil),

En outre, quant au test de proportionnalité relatif à l’atteinte portée au droit de propriété par les dispositions contestées, il a amené le Conseil constitutionnel à souligner que « le bailleur conserve la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer » mais ce constat banal n’enlève rien à l’obligation d’indemnisation que la loi fait peser sur lui lorsqu’il décide de reprendre la jouissance de sa chose, laquelle est censée s’exercer de « la manière la plus absolue ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel confirme que le bailleur refusant le renouvellement du bail commercial est redevable d’une indemnité d’éviction pouvant aller jusqu’à la valeur marchande du fonds de commerce du locataire.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial