Les bases de données peuvent à certaines conditions faire l’objet d’une protection spécifique dont le régime juridique, sui generis, est prévu aux articles L.341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur les conditions d’application de ce régime, dans un arrêt rendu le 05 octobre 2022 (Cass. civ. 1ère, 05/10/2022, n°21-16.307 P.).

En l’espèce, le site internet www.entreparticuliers.com, exploité par la société Entreparticuliers.com, proposait aux particuliers un service payant d’hébergement d’annonces notamment immobilières. Elle était abonnée à un service de pige immobilière commercialisé par une autre société qui collectait et transmettait aux abonnés (professionnels de l’immobilier) toutes les nouvelles annonces immobilières publiées sur différents sites internet.

La société LBC France, exploitant le site internet www.leboncoin.fr estimait que cette activité constituait une atteinte à sa base de données.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 05 octobre 2022 sur cette affaire apporte quelques précisions en matière de protection d’une base de données par le droit sui generis.

Pour que la base de données bénéficie de la protection sui generis, il faut que la constitution, la vérification ou la présentation de son contenu atteste d’un investissement financier, matériel ou humaine substantiel étant précisé que le producteur de données est celui qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants (article L.341-1 du Code de la propriété intellectuelle).

En l’espèce, la société LBC France avait acquis par apport partiel d’actifs le site internet leboncoin.fr et avait, au surplus, procédé pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données à de nouveaux investissements financiers, matériels et humains substantiels du fait de leur nature et leur montant. Ainsi, la Cour de cassation a retenu que la Cour d’appel avait pu exactement déduire que la société LBC France était fondée à invoquer la protection de la base de données.

La Cour de cassation rappelle la définition d’investissements qui a été donnée par les juridictions européennes. Elle doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l’exclusion des moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs d’une base de données, le titulaire d’une base de données devant dès lors justifier d’un investissement autonome par rapport à celui que requiert la création des données contenues dans la base dont il demande la protection (CJUE, 09/11/2004, C-203/02, C-46/02, C-338/02, C-444/02). En l’espèce, l’appréciation des investissements a été réalisée poste par poste par la Cour d’appel, et la Cour de cassation considère ainsi qu’elle a procédé aux recherches prétendument omises.

La Cour de cassation précise qu’une sous-base peut bénéficier de la protection sui generis des bases de données. En l’espèce, elle retient que la Cour d’appel qui a relevé que la sous-base immobilier représentait 10% des investissement substantiels engagés pour la constitution, la vérification et la présentation de la base de données le Bon coin a pu en déduire que la société LBC France pouvait bénéficier d’une protection de sa sous-base.

Or, les annonces immobilières du site Entreparticuliers.com reprenaient toutes les informations relatives au bien immobilier, s’agissant de la localisation, la surface, le prix, la description et la photographie du bien, qui sont les critères essentiels des annonces du site leboncoin.fr. En outre, en exécution du contrat de pige immobilière, la société Entreparticuliers.com s’était vu transférer toutes les annonces immobilières de vente du site leboncoin.fr. En conséquence, selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a pu justement en déduire que la société Entreparticuliers.com avait extrait et réutilisé une partie qualitativement substantielle du contenu de la sous-base de données immobiliser du Bon coin. Or, le producteur de base de donnée à le droit d’interdire de tels actes en vertu des articles L.342-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi qui avait été formé à l’encontre de l’arrêt rendu pa la Cour d’appel de Paris.

Conseil : en présence d’une base de données, il faut être vigilent quant à l’extraction ainsi qu’à la réutilisation des données qui y sont contenues. Ces actes peuvent faire l’objet d’une interdiction.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Marine COMTE, avocat