Un locataire commercial ne peut faire valoir son droit de préemption sur l’immeuble de son bailleur lorsque celui-ci est vendu aux enchères publiques

Aux termes de l’article L145-46-1 du Code de Commerce, le locataire commercial bénéficie d’un droit de préemption sur l’immeuble où il exploite son fonds de commerce lorsque son bailleur «envisage de vendre celui-ci». Se rapprochant du droit existant en matière de baux d’habitation, une question se posait quant à la revendication de ce droit de priorité lorsque l’immeuble à usage commercial était soumis à une vente par adjudication.

Dans un récent arrêt, la 3e Chambre Civile de la Cour de Cassation a eu à connaitre du cas d’une SCI propriétaire d’un immeuble à usage commercial donné à bail à plusieurs sociétés. Après la dissolution anticipée de la SCI, le liquidateur amiable a assigné les associés en autorisation de la vente de l’ensemble immobilier aux enchères publiques. Or, le gérant de l’une des sociétés locatrices a revendiqué son droit de préemption sur l’immeuble pour s’y opposer.

Dans son arrêt, outre le fait que le droit de préemption ne puisse jouer lorsque l’immeuble est inclus dans une cession portant sur un ensemble immobilier, la Cour de Cassation a considéré que le locataire commercial ne pouvait pas revendiquer son droit de préemption sur l’immeuble mis aux enchères publiques. Si cette solution ne paraît pas évidente a priori, elle s’explique par des raisons de mise en œuvre du droit de préemption et de subsidiarité par rapport au régime plus protecteur des droits des parties que représente la vente aux enchères publiques. En effet, comment faire jouer un droit de préemption lorsque le principe de la vente est irrévocablement arrêté mais que le prix reste indéterminé ? In fine, le locataire pourrait tout de même se trouver restauré dans ce droit d’acquisition prioritaire en se portant dernier enchérisseur !

 (Cass. Civ 3e, 17 mai 2018, n°17-16.113) 

Me Emmanuel MAITRE, spécialiste en droit des sociétés ; M. Christopher DE HARO