Il est souvent stipulé dans les conventions de cession d’actions une clause de non-concurrence dont la validité est soumise à un contrôle de proportionnalité aux intérêts légitimes à protéger.

A défaut de stipulation contractuelle, une obligation de non-concurrence légale a été dégagée de la garantie légale de non-éviction des articles 1626 et suivants du Code civil, qui a pour objet d’assurer à l’acquéreur la possession paisible de la chose vendue après la délivrance de celle-ci.

En l’espèce, deux actionnaires d’une société informatique ont cédé leurs actions en 2007 à une société tierce intervenant sur le même marché. Toutefois, en 2010, une société qui intervient sur un marché similaire est créée par l’un des cédants et rejoint quelques temps après par le second cédant. Accusé de s’être implanté dans le même secteur d’activité, de proposer un produit concurrent, et de détournement de clientèle, la société inquisitrice des actions engage une action contre les vendeurs et invoque à ce titre la garantie légale d’éviction, laquelle comprend donc l’interdiction de se rétablir.

La Cour d’appel condamne les vendeurs au titre du manquement à leur obligation née de la garantie légale d’éviction.

Par une décision du 10 novembre 2021 (Cass. Com, 10 nov. 2021, n°21-11.975), la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si l’obligation de non-concurrence résultant de la garantie d’éviction est proportionnée à l’atteinte subie à la liberté du commerce et de l’industrie.

La Cour de cassation avait déjà pu juger que « la garantie légale d’éviction du fait personnel du vendeur n’entraîne pour celui-ci, s’agissant de la cession des actions d’une société, l’interdiction de se rétablir, que si ce rétablissement est de nature à empêcher les acquéreurs de ces actions de poursuivre l’activité économique de la société et de réaliser l’objet social » (Cass. Com. 21 janvier 1997, n°94-15.207).

Or, dans la présente décision, la Cour de cassation censure la décision de la Cour d’appel pour défaut de base légale, c’est-à-dire pour défaut de motivation et introduit, ainsi, le contrôle de proportionnalité pour la mise en œuvre de la garantie légale d’éviction.

Ce faisant, la Cour de cassation va plus loin et unifie l’interprétation de l’obligation de non-concurrence qui résulte de la garantie légale d’éviction et le régime des clauses de non-concurrence en exigeant la recherche légitime de proportionnalité entre la garantie et la liberté du commerce et de l’industrie.

Conseil : Il est important de soigner la rédaction des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats et de veiller, ainsi, à l’équilibre des intérêts en présence.

Me Jean-Pascal CHAZAL
Avocat spécialiste en droit commercial