Dans un arrêt du 23 juin 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions concernant l’utilisation des clauses de non-concurrence dans les protocoles de cession de titres. La Haute juridiction vient préciser que lorsque les obligés n’ont pas la qualité de salarié au moment de la signature du protocole, l’absence de contrepartie financière n’invalide pas la clause de non-concurrence prévue au protocole.

En l’espèce, un protocole de cession de l’intégralité des parts sociales d’une société d’informatique assorti d’une clause de non-concurrence avait été signé par deux associés cédants le 29 mars 2011. Il était prévu d’embaucher l’un des cédants en qualité de directeur d’agence à partir de la date de cession.

Le cédant a été embauché en date du 2 avril 2012 au titre d’un contrat de travail contenant une seconde clause de non-concurrence. Il a ensuite été licencié le 2 décembre 2014 et a été libéré de l’engagement de non-concurrence stipulé spécifiquement dans son contrat de travail.

Ce dernier a assigné la société cessionnaire pour voir prononcer la nullité de la clause de non-concurrence prévue au protocole en sa qualité d’associé. Le cédant, associé et gérant de la SARL au moment de la signature du protocole et bénéficiant d’une promesse d’embauche du cessionnaire, a ainsi soutenu devant les juges que cette clause ne comprenait pas de contrepartie financière et devait être considérée comme invalide. En effet, il est de jurisprudence constante que la validité d’une clause de non-concurrence souscrite par un salarié est rendue licite par l’inclusion d’une contrepartie financière.

Le raisonnement du cédant n’a cependant pas su convaincre la Cour de cassation qui a jugé qu’il ne disposait au jour de la souscription de cette obligation (i.e. au jour de la signature) que d’une promesse d’embauche, qui ne lui conférait pas la qualité de salarié. Par conséquent, la clause de non-concurrence du protocole ne devait pas être nécessairement assortie, pour être valable, d’une contrepartie financière au jour de la signature.

Cette décision de justice se place dans la continuité des décisions précédemment rendues par la Cour de cassation ayant déjà permis d’établir une liste de conditions cumulatives à la validité d’une clause de non-concurrence dans le cadre d’une cession de droits sociaux. Dans l’hypothèse où la clause est souscrite par un cédant non salarié de la société au jour de la souscription de cette obligation, elle n’est rendue valide que par la limitation de la clause dans le temps et l’espace, et par la proportionnalité de la clause aux intérêts légitimes à protéger.

Aucune contrepartie financière n’est donc à prévoir dans le protocole de cession dès lors que l’obligé n’est pas salarié au moment de la souscription de cette obligation, mais il convient d’être particulièrement vigilants dès lors qu’il y a cumul de qualités de salarié et d’associé, tant concernant les conditions du protocole que celles du contrat de travail.
(Cass. com. 23 juin 2021, n°19-24488.)

Me Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des Sociétés
Me Serge VICENTE, avocat,
Me Simon POLGE, avocat.