Dans un arrêt du 25 octobre 2023, la Cour de cassation revient sur un principe désormais bien établi s’agissant de la cession d’un fonds de commerce (Cass. com., 25/10/2023, n°21-20.156).

Elle était saisie de la question de savoir si, dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, les engagements antérieurs ou les créances prétendument détenues par le cédant au titre des contrats de travail étaient transmises au cessionnaire, même en l’absence de stipulation expresse dans l’acte de cession. La question s’était posée afin d’apprécier la recevabilité de l’intervention volontaire du cessionnaire à la procédure engagée par un ancien salarié devant un Conseil des Prud’hommes en contestation de son licenciement pour faute lourde. Si les engagements et créances antérieures avaient été transmis, l’intervention volontaire aurait été recevable, tandis que si ce n’était pas le cas, sa demande n’aurait pas été recevable.

En l’espèce, l’acte de cession prévoyait seulement que le cessionnaire serait, à une date précisée, propriétaire du bien apporté et que toutes les opérations tant actives que passives depuis cette date seraient réputées faites pour son compte.

Alors que la Cour d’appel avait considéré qu’il se déduisait de cette rédaction que les créances détenues par le cédant au titre de l’exécution des contrats de travail qu’il avait conclu avaient été transmises avec le fonds de commerce.

La Cour de cassation casse et annule cette solution au visa du principe selon lequel : « en l’absence de cause expresse et sauf exception prévues par la loi, la cession d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vêtu d’engagements initialement souscrits par lui ni celle des créances qu’il détenait antérieurement à la cession ». Elle a considéré que la Cour d’appel qui avait relevé l’absence de clause stipulant expressément la cession des obligations dont le cédant pouvait être tenu en vertu d’engagements initialement souscrits par lui ou des créances qu’il détenait antérieurement à la cession, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.

Si cet arrêt est certes en cohérence avec les règles habituellement rappelées s’agissant de la cession des créances et des dettes avec la cession de fonds de commerce, il entre en contradiction avec les règles du droit du travail. En effet, l’article L.1224-1 du Code du travail prévoit une cession automatique des contrats de travail en cas de cession de fonds de commerce, mais l’article L.1224-2 du même Code dispose que : « Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ». Les règles spéciales du droit du travail dérogent au droit commun, de sortes que le nouvel employeur aurait pu être tenu des dettes et créances salariales.

Conseil : il convient d’être minutieux dans la rédaction d’une cession de fonds de commerce, et il est nécessaire de citer l’ensemble des créances et des dettes qui sont cédées à ce titre, étant précisé que même en l’absence de stipulation expresse, par principe, le cessionnaire sera normalement tenu des créances et dettes salariales antérieures.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Marine COMTE, avocat en droit commercial