La Cour de cassation a eu à se prononcer sur l’articulation d’un accord de confidentialité conclu et le dépôt d’un brevet (Cass. com., 17/05/2023, n°19-25.007).

En l’espèce, deux sociétés avaient conclu un accord de confidentialité portant sur le développement d’une invention. L’invention en question a fait l’objet d’un dépôt de brevet. L’inventeur, titulaire du brevet, a agi en contrefaçon à l’encontre de l’autre partie à l’accord de confidentialité. Pour se défendre, cette partie avait versé certaines pièces qui, selon l’inventeur, étaient couvertes par l’accord de confidentialité.

La question posée était donc de savoir si les pièces en question devaient être écartées des débats, en raison des obligations mises à la charge des Parties par l’accord de confidentialité.

Pour y répondre, la Cour d’appel a estimé qu’en raison de la publication de la demande de brevet, l’accord de confidentialité s’était trouvé caduc, de sorte que les pièces litigieuses n’avaient pas à être écartées.

La Cour de cassation casse et annule cet arrêt d’appel en considérant que la publication d’une demande de brevet ne divulgue au public que les caractéristiques techniques et les informations relatives à l’invention qu’elle contient. Ainsi, la publication de la demande de brevet ne pouvait avoir pour effet de rendre caduc l’accord de confidentialité en lui-même ni de libérer le débiteur de son obligation de confidentialité à l’égard des éléments protégés par l’accord, non divulgués par cette publication.

La Cour de cassation préconise néanmoins un contrôle de proportionnalité entre la protection des intérêts l’inventeur et la protection du droit à la preuve de l’autre partie, afin de déterminer si les pièces litigieuses pouvaient être écartées du débat.

La motivation de la Cour de cassation est protectrice de l’inventeur qui bénéficie de la protection d’un accord de confidentialité rédigé de manière large, et couvrant ainsi tous les échanges étant intervenus entre les Parties dans le cadre du développement d’une invention. Reste à savoir si le droit à la preuve, et le droit à la défense, ne justifient pas l’autorisation de produire des éléments couverts par l’accord de confidentialité, et non divulgués par le dépôt du brevet, qui sont strictement nécessaires à l’exercice de ces droits.

Conseil : cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’il convient d’être particulièrement vigilent sur la rédaction d’accord de confidentialité, conclu dans le cadre du développement d’une invention, et de veiller à son articulation avec un éventuel dépôt de titre de propriété industrielle. Il serait opportun de prévoir une levée de la confidentialité au jour du dépôt d’un brevet.

Me Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en droit commercial
Me Marine COMTE, Avocat en droit commercial