A la suite de la révolution opérée par les arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 septembre 2023, le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne (DDAUE). Cet amendement prévoit la modification des dispositions du Code du travail relatives à l’acquisition de jours de congés payés en cas d’arrêt maladie, dispositions que la Cour de cassation a écarté dans ses arrêts de septembre 2023 en raison de leur contrariété avec le droit de l’Union européenne.

Cet amendement a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en date du 18 mars 2024. Il convient donc d’attendre le terme du processus législatif pour connaitre les règles définitives qui seront définitivement retenues.

En l’état, il est cependant intéressant de noter que le projet de loi intégrant l’amendement fixerait les règles suivantes :

  • En cas d’arrêt maladie pour cause non-professionnelle, acquisition de 2 jours ouvrables de congés payés par mois, avec un maximum de 24 jours par an, correspondant aux 4 semaines minimales garanties par le droit européen, et non à 5 semaines en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation et des dispositions du Code du travail. L’amendement prévoit, en conséquence, de modifier les règles applicables au calcul de de l’indemnité de congés payés dans le cadre de la règle du 10ème. La rémunération correspondant aux périodes d’arrêt maladie ne seraient prises en compte qu’à hauteur de 80%.
  • En cas d’arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle, l’amendement prévoit logiquement la suppression de la limite d’un an. Le salarié acquerrait donc des jours de congés payés pendant l’intégralité de son arrêt maladie, étant précisé qu’en l’état de l’amendement, le salarié bénéficiant d’un arrêt pour cause professionnelle parait acquérir non pas 2 mais 2,5 jours de congés payés par mois (soit un régime d’acquisition plus favorable que pour les salariés en arrêt maladie pour cause non-professionnelle).
  • Création d’une période de report de 15 mois au cours de laquelle devront être pris les congés payés acquis n’ayant pas pu être posés au cours de la période « normale » de prise, en raison de l’arrêt de travail qu’il soit d’origine professionnelle ou non-professionnelle. Cette période de report commencerait à courir à compter du moment où l’employeur informerait le salarié sur ses droits à congés, postérieurement à sa reprise du travail. En effet, l’amendement prévoit que dans un délai de 10 jours suivant la reprise du travail, l’employeur devra informer le salarié, par tout moyen conférant date certaine, sur le nombre de jours de congés payés dont il dispose et sur la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris. Sous réserve que l’employeur respecte cette obligation, le salarié qui ne prendrait pas ses jours de congés payés acquis avant le terme de la période de report de 15 mois, perdrait les jours de congés payés correspondants.
  • En cas d’arrêt de travail de longue durée, les salariés en arrêt de travail depuis au moins un an à la fin de la période d’acquisition des congés payés verraient les congés payés acquis au titre de cet arrêt reportés sur une période de 15 mois commençant à courir au terme de la période d’acquisition concernée et en l’absence, par hypothèse, de toute reprise de travail.
  • Application rétroactive des nouvelles règles à compter du 1er décembre 2009 – date correspondant à la date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne sur lequel la Cour de cassation s’est fondée pour justifier son revirement du 13 septembre 2023 – de la règle d’acquisition des jours de congés payés au cours d’un arrêt maladie et de la période de report des congés payés de 15 mois, la question de la suppression de la limite d’un an applicable aux arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle n’étant pas mentionnée.
  • Création d’un délai de forclusion de 2 ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la future loi pour les actions en exécution du contrat de travail visant l’octroi de congés payés. Ainsi, les salariés dont le contrat de travail est en cours d’exécution devraient agir dans le délai de forclusion de 2 ans commençant à courir à compter de l’entrée en vigueur de la future loi pour faire valoir leurs droits au titre des jours de congés payés acquis antérieurement pendant un arrêt maladie. S’agissant des salariés ayant quitté l’entreprise, il devrait être fait application du droit commun et donc de la prescription triennale applicable aux sommes de nature salariale.

Ces règles pourront bien entendu être modifiées et/ou complétées dans le cadre du processus législatif.

Affaire à suivre…

Me Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail