Par une décision du 9 mars 2023, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 9 mars 2023, aff. C-177/22) a eu à prononcer sur la qualité de consommateur ou de professionnel d’un acheteur, à propos d’une vente d’un véhicule automobile conclue entre un acheteur personne physique autrichien et un vendeur, personne morale de droit allemand.

A titre de rappel, dans le cadre de litiges transfrontaliers entre les Etats membres de l’UE, le règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale s’applique, et celui-ci définit le consommateur comme la personne qui conclut un contrat « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ».

En l’espèce, l’acheteur personne physique invoque sa qualité de consommateur pour solliciter la mise en œuvre de la garantie au titre des vices entachant le véhicule acheté.  Or, la particularité de ce litige est que l’acheteur personne physique a fait intervenir un partenaire professionnel, un concessionnaire automobile, pour effectuer les recherches et contacter le vendeur. Il était donc stipulé dans le contrat que la vente était conclue entre professionnels.

Le juge autrichien, dont la compétence était discutée, a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne pour savoir si l’acheteur personne physique pouvait se prévaloir de la qualité de consommateur. A cette occasion, cette dernière a apporté, de manière pédagogique, plusieurs précisions sur la notion de consommateur, et notamment la nécessité de :

1/ prendre en compte les finalités « actuelles ou futures poursuivies par la conclusion (du) contrat, indépendamment de la nature salariée ou indépendante de l’activité exercée par cette personne ». Cette position était déjà admise et par ailleurs, est conforme à la définition française de consommateur codifiée, depuis l’ordonnance du 14 mars 2016 (n°2016-301), dans l’article liminaire du code de la consommation selon laquelle un consommateur est « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Cependant, la Cour ajoute une précision supplémentaire concernant l’hypothèse où une personne conclut un contrat à double finalité, en partie professionnelle et en partie privée en indiquant que la personne doit être qualifiée de consommateur « si l’usage professionnel est négligeable dans le contexte de l’opération considérée dans sa globalité »

2/ prendre en compte « l’impression créée par le comportement de cette personne dans le chef de son cocontractant, consistant notamment en une absence de réaction de la personne qui invoque la qualité de consommateur aux stipulations du contrat la désignant en tant qu’entrepreneuse, en la circonstance qu’elle a conclu ce contrat par le truchement d’un intermédiaire, exerçant des activités professionnelles dans le domaine dont relève ledit contrat, qui, après la signature de ce même contrat, a interrogé l’autre partie sur la possibilité de mentionner la taxe sur la valeur ajoutée sur la facture afférente ou encore en la circonstance qu’elle a vendu le bien faisant l’objet du contrat peu après la conclusion de celui-ci et a réalisé un bénéfice éventuel ».

Ainsi, par cet arrêt, la Cour de justice incite les juges nationaux d’une part, à établir les finalités poursuivies par la personne qui invoque la qualité de consommateur et d’autre part, à tenir compte des circonstances entourant la conclusion du contrat et notamment des informations ou des éléments intervenus ultérieurement, aux fins d’identifier si, par son comportement, le contractant a créé l’impression qu’il a agi à des fins professionnelles.

Conseil : La possibilité pour un acheteur de se prévaloir de la qualité de consommateur est un enjeu important car elle entrainera l’application des dispositions protectrices du code de la consommation alors qu’une telle protection ne se justifie pas en cas de contrat ayant comme finalité une activité professionnelle.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Clémence LARGERON, avocat en droit commercial