Dans une affaire tranchée le 22 novembre 2023 (n°22-16.514) par la Cour de cassation, deux cocontractants étaient liés par un contrat. Or, l’une d’elle met fin, de manière unilatérale et anticipée audit contrat. L’autre partie conteste cette résolution unilatérale en considérant qu’elle est fautive.
En l’espèce, le contrat en question, qui a fait l’objet d’une résolution unilatérale par une des parties, a été conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016.
Sous l’empire des anciens textes, la résolution unilatérale était une faculté offerte par la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considérait déjà que la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, et cette gravité n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de prévis (Cass. Civ. 13 octobre 1998, n°92-21.485).
Toutefois, se pose la question, dans ce dossier, de la charge de la preuve de la gravité du comportement justifiant la mise en œuvre de la résolution unilatérale, en cas de contestation de celle-ci par le débiteur.
Pour faire valoir que la charge de la preuve pesait sur le débiteur, le pourvoi se fondait sur l’article 1315 ancien du code civil, à savoir que le débiteur qui se prétend libéré doit rapporter la preuve de sa libération.
Toutefois, la Cour de cassation rejette ce raisonnement car la résolution unilatérale se fait aux risques et périls du créancier qui la décide.
C’est pourquoi, la Cour de cassation a jugé que c’est à celui qui a provoqué la résolution unilatérale de rapporter la preuve du comportement grave qui l’a conduit à choisir ce mode de terminaison du contrat.
Cette décision de la Cour de cassation du 22 novembre 2023 s’aligne, ainsi, avec l’alinéa 4 de l’article 1226 du Code civil codifiant, à l’occasion de la réforme de 2016, la faculté de résolution unilatérale, lequel prévoit expressément que « Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».
En conséquence, il n’y a ainsi plus de doute possible quant à la charge de la preuve en cas de contestation de la mise en œuvre de la résolution unilatérale.
Conseil : Depuis la réforme du droit des contrats de 2016, la mise en œuvre de la résolution unilatérale est encadrée strictement par l’article 1226 du Code civil qui dispose que « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».
Il convient de veiller à respecter ces conditions, à défaut de quoi la résolution unilatérale serait inefficace, voire pire…fautive.
Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Clémence LARGERON, avocat en droit commercial