Les consommateurs font l’objet d’une protection renforcée lorsqu’ils contractent avec des professionnels. Il résulte de ce régime des obligations particulièrement contraignantes à la charge du professionnel, lesquelles sont renforcées lorsque le contrat est conclu à distance ou hors établissement – c’est-à-dire en dehors de l’établissement du professionnel.
Par trois arrêts rendus le 20 décembre 2023 la Cour de cassation rappelle certaines de ces obligations :
- Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel doit communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter la prestation de service. Le manquement à cette obligation est sanctionné par la nullité du contrat (combinaison des articles L.242-1, L.221-9, L.221-5 et L.111-1 du Code de la consommation). Dans son arrêt du 20 décembre 2023, la Cour de cassation considère que le délai de livraison de 4 mois à compter de la signature du bon de commande, prévu par un article des conditions générales, n’est pas suffisant pour répondre aux exigences susvisées, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d’installation des biens et celui d’exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s’était engagé. L’indication d’un délai global ne permet pas au consommateur de déterminer de façon suffisamment précise quand est-ce que le vendeur professionnel aurait exécuté ses obligations ( civ. 1ère, 20/12/2023, n°22-13.014, B). Il résulte de cet arrêt que pour les contrats conclus à distance ou hors établissement, il convient de mentionner, spécifiquement pour chaque obligation contractuelle mise à la charge du professionnel, un délai d’exécution (lorsque celle-ci n’est pas immédiatement exécuté). A défaut, le contrat encourt la nullité.
- Le contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement doit indiquer, à peine de nullité, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Ces informations doivent être fournies au consommateur sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un support durable (articles L.221-8, L.221-5 et L.111-1 du Code de la consommation). Dans son arrêt rendu le 20 décembre 2023, la Cour de cassation se prononce sur les règles ci-avant énoncées, prévues aux articles L.111-1, L.121-7 et L.121-18.1 du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 dont le contenu était similaire. Elle valide le raisonnement d’une Cour d’appel qui a considéré que la description d’une installation qui ne permettait pas aux acquéreurs consommateurs de se faire une idée globale sur les éléments la composant, était insuffisante pour décrier ses caractéristiques techniques en termes de performance, de rendement et de capacité de production. Par ailleurs, ces informations ne pouvaient figurer sur des documents annexes non signés par toutes les parties sous peine de nullité du contrat. Cet arrêt revient par ailleurs sur la possibilité qu’a le consommateur, lorsque le contrat conclu hors établissement ne comprend pas d’indication d’un délai de rétractation, d’obtenir une prorogation de ce délai de rétractation, ce qui n’est pas exclusif de la possibilité qu’il a de demander la nullité du contrat ( civ. 1ère, 20/12/2023, n°22-14.020, B). Il résulte de cet arrêt qu’il convient d’apporter une définition précise des biens vendus ou des services fournis dans le contrat transmis sur un support durable au consommateur, et d’informer ce dernier sur son droit à rétractation. Le manquement à ces obligations peut être sanctionné par la nullité du contrat.
- Lorsque le contrat est conclu hors établissement, le professionnel doit fournir au consommateur un exemplaire daté du contrat, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Le contrat doit être accompagné d’un formulaire type de rétractation, sous peine de nullité (article L.221-9 du Code de la consommation). Ainsi, la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 20 décembre 2023, considère qu’il se déduit de ces textes que l’emploi d’un formulaire type de rétractation ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver. Ainsi, le formulaire de rétraction figurant au verso d’un bon de commande qui comportait : « d’un côté, sur une seule page, l’adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l’autre côté, l’emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que les éléments d’identification du vendeur» entraine la nullité du contrat (Cass. civ. 1ère, 20/12/2023 n°21-16.491). Il résulte de cet arrêt qu’il convient d’être particulièrement vigilent sur les éléments contractuels transmis au consommateur. Le professionnel doit veiller à ce que le formulaire de rétractation ne porte pas atteinte à l’intégralité du contrat.
Conseil : ces trois arrêts sont l’occasion de rappeler que le professionnel doit être particulièrement vigilent à la rédaction de l’ensemble des documents contractuels qu’il communique à son client consommateur.
Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en droit commercial
Marine COMTE, Avocat en droit commercial