Il est tout à fait possible de prévoir dans un contrat liant deux professionnels une clause limitant la responsabilité du débiteur d’une obligation à condition que cette clause ne prive pas le contrat de son obligation essentielle.

Il s’agit de l’application de l’ancienne jurisprudence Chronopost (Com. 22 oct. 1996, no 93-18.632) qui a considéré qu’une clause limitant la responsabilité du transport en cas de non-respect du délai de livraison était réputée non-écrite, car le délai constituait une obligation essentielle du contrat, de sorte qu’une telle clause contredisait la portée de l’obligation essentielle de célérité contenu dans le contrat. Cette jurisprudence est, depuis la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 codifiée à l’article 1170 du Code civil qui dispose que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

En l’espèce, il s’agissait de l’installateur d’un système d’alarme qui avait stipulé dans son contrat conclu le 29 novembre 2003 une clause limitant sa responsabilité en cas de dysfonctionnement, s’il n’est pas établi qu’il a commis une faute.

En l’occurrence, l’obligation essentielle du contrat d’installation et de maintenance de systèmes d’alarmes porte sur le bon fonctionnement dudit système et la responsabilité de la société d’installation et de maintenance de systèmes d’alarmes a été recherchée à la suite d’un vol intervenu dans les locaux de la société souscriptrice de la prestation de surveillance sans que l’alarme n’ait fonctionnée.

Le pourvoi soutient donc, comme cela avait déjà pu être jugé, que l’installateur d’un système d’alarme est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne le fonctionnement de l’alarme (Cass.civ., 20 octobre 1998, RCA 1998, n°389), de sorte que si le résultat promis n’est pas réalisé, le débiteur est présumé avoir commis une faute et par conséquent, la clause limitative de responsabilité exigeant la preuve de l’existence d’une faute en cas de dysfonctionnement devait être réputée non écrite.

Par une décision en date du 7 juillet 2021 (Cass. Com, 7 juillet 2021, n°19-22.807), la Cour de cassation retient au contraire que clause ne prive pas le contrat de son obligation essentielle dans la mesure où :

– la preuve de l’existence d’une faute ne fait que poser une condition à l’indemnisation qui pouvait être mise à la charge de la société d’installation et de maintenance de systèmes d’alarmes qui a pour conséquence de faire porter l’aléa d’un dysfonctionnement inexpliqué à l’utilisateur, de sorte que son obligation n’était pas de résultat mais de moyens c’est-à-dire que le débiteur de l’obligation n’est responsable que si est prouvé l’existence d’une faute ayant causé l’exécution défectueuse ;

– il ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle l’existence d’une faute, et par ailleurs, la société d’installation et de maintenance de systèmes d’alarmes n’a commis aucune faute ;

– la clause n’a pas eu pour effet de priver la société créancière de l’obligation de toute contrepartie, ni de décharger par avance la société débitrice de sa responsabilité en cas de manquement à une obligation essentielle lui incombant.

Ce faisant, la Cour de cassation considère que cette condition n’a pas eu pour effet de neutraliser le caractère contraignant de l’obligation en dispensant le débiteur de l’exécuter, et en conséquence n’a pas privé de sa substance l’obligation essentielle.

Conseil : cette clause est en réalité mal rédigée car elle mélange les conditions d’engagement de la responsabilité civile et les effets de celle-ci. Et, la Cour de cassation, en se prononçant sur la qualification de faute de moyen ou de résultat, réintroduit la question des conditions de responsabilité au stade de ses effets. C’est pourquoi, il est très important d’être vigilant sur la rédaction de ces clauses limitatives de responsabilité.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial