Par une décision du 10 janvier 2024 publiée au Bulletin (Com. 10 janv. 2024, n° 22-20.466), la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence sur le sort des clauses de divisibilité dans des contrats de location financière.
A titre de rappel, les locations financières sont des montages contractuels qui lient un contrat de financement et un contrat conclu avec un prestataire, ce qui fait naître une situation d’interdépendance contractuelle entre ceux-ci, c’est-à-dire un ensemble de contrats appartenant à un même ensemble économique.
Depuis l’adoption des nouveaux textes issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de sa loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 réformant le droit des obligations, le nouvel article 1186 du Code civil issu de la réforme, lequel dispose que « Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie. La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement ».
C’est sur ce fondement que la Cour de cassation a été saisie de la question de savoir un contrat de location portant sur un copieur lié à un contrat de maintenance conclu le même jour étaient interdépendants, de sorte que la résiliation de l’un entrainerait la caducité de l’autre, et ce malgré la stipulation d’une clause de divisibilité dans lesdits contrats.
Sous l’empire des anciennes dispositions issues de la réforme du droit des contrats de 2016 et notamment l’article 1134 du Code civil sur la force obligatoire des contrats, la Cour de cassation est venue clore un débat doctrinal et jurisprudentiel, en jugeant que « Attendu que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance » (Cass., ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.927). Elle prend ainsi position en faveur de la thèse économiste, rejetant de ce fait la thèse volontariste qui retenait que, par leur volonté, les parties à un contrat pouvaient briser conventionnellement l’unité économique d’un ensemble contractuel.
Il n’était pas certain que cette jurisprudence soit maintenue à la suite de l’adoption des nouveaux textes issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de sa loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 réformant le droit des obligations.
Or, dans le cadre de l’affaire, objet de l’arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation réitère sa position, en précisant que « les clauses inconciliables avec cette [l’] interdépendance » des contrats doivent être réputées non écrites.
Conseil : on pourrait considérer que cet arrêt confère un caractère d’ordre public à l’article 1186 du Code civil, puisqu’il n’est pas possible de déroger à une interdépendance contractuelle qui serait caractérisée. Il n’y a pas de doute s’agissant des contrats de locations financières, lesquelles étaient l’objet du litige. Pour d’autres montages, il conviendra de démontrer l’existence de l’unité économique de l’ensemble contractuel.
Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en droit commercial
Clémence LARGERON, Avocat en droit commercial