Une nouvelle décision de la Cour de cassation a été publiée au Bulletin illustrant le caractère excusable de l’erreur du vendeur sur les qualités substantielles d’un tableau vendu aux enchères (Cive. 1re, 4 déc. 2024, n° 23-17.569).

La décision du 4 décembre 2024 est rendue sous l’empire des dispositions des articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

La Cour de cassation rappelle qu’en vertu de ces dispositions, l’erreur du vendeur sur les qualités substantielles de la chose vendue n’est une cause de nullité du contrat que dans la mesure où elle est excusable.

De manière constante, la Cour de cassation se livre à une appréciation in concreto des faits permettant d’apprécier le caractère excusable de l’erreur.

En l’occurrence, la Cour d’appel avait retenu que l’erreur était inexcusable et n’avait donc pas retenu la nullité dans la mesure où la propriétaire initiale du tableau savait qu’elle était l’héritière d’un peintre renommé. La Cour d’appel a considéré qu’il aurait fallu réaliser une expertise préalable pour dissiper les doutes sur l’attribution du tableau afin de déterminer s’il émanait du peintre familial ou d’un autre artiste de renom de son époque.

La Cour de cassation censure ce raisonnement et considère que l’erreur du vendeur est excusable et la vente encourt donc la nullité en relevant que la société de vente aux enchères était en possession des archives familiales lui ayant permis de vérifier les informations sur le lien de parenté entre le peintre et la famille, et que cette information a été portée à la connaissance du public immédiatement avant la vente, sans pour autant modifier l’évaluation initiale, ni faire appel à l’avis d’un expert.

L’élément déterminant de la décision commentée se situe, ainsi, dans la transmission par le vendeur de tous les éléments en sa possession au professionnel chargé de la vente en s’en est remis à son avis.

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de 2016, l’article 1132 du Code civil substitut les qualités substantielles par les qualités essentielles en disposant que « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant ».

Malgré l’absence de précision du texte, il n’est pas à exclure que la Cour de cassation maintienne sa conception in concreto du caractère excusable de l’erreur invoquée.

Conseil : une demande en annulation d’une vente pour erreur peut émaner non pas de l’acheteur (comme c’est le cas le plus souvent) mais du vendeur. Il s’agira donc d’apprécier en fonction des circonstances si le vendeur avait aisément accès à certaines informations.

Il est à noter que la décision de la Cour de cassation est sévère à l’encontre des sociétés de vente aux enchères puisque le fait que le vendeur puisse avoir accès auxdites informations n’empêche pas celui-ci d’obtenir l’annulation de la vente s’il a transmis à un professionnel certaines informations aux fins de vérifications.

Par ailleurs, il faut rappeler que la seule erreur sur la valeur n’est pas, quant à elle, une cause de nullité du contrat (Cour de cassation, Chambre civile 1, du 3 mai 2000, 98-11.381).

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Clémence LARGERON, avocat en droit commercial