En principe, et conformément à l’article 1199 du Code civil, le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties. Depuis un arrêt rendu en assemblée plénière le 06 octobre 2006, la Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. Plén. 06/10/2016, n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. Plén. n° 9). Elle a rappelé ce principe, et précisé que, s’il était établi un lien de causalité entre un manquement contractuel le dommage subi par le tiers, ce dernier n’était pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte de ce manquement, dans un arrêt rendu en assemblée plénière du 13 janvier 2020 (Ass. Plén. 13/01/2020, n° 17-19.963, publié au Bulletin).
Dans un récent arrêt du 03 juillet 2024, la Chambre commerciale a précisé ce régime juridique. Elle a considéré que : « pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat, et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage, peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les cocontractants » (Cass. Com. 04/07/2024, n° 21-14.947, FS B n° 435).
Conformément à ce principe édicté, et dans l’espèce qui lui ait soumise, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que les clauses limitatives de responsabilité issues de conditions générales étaient opposables aux tiers qui engageaient la responsabilité délictuelle d’un cocontractant en raison d’une faute de nature contractuelle.
Cet arrêt, qui vient de nouveau préciser le champ de l’effet relatif des contrats brouille la frontière entre le domaine contractuel et délictuel et fait rayonner le contrat au-delà de la seule sphère des parties.
Conseil : il est essentiel, dans des contrats conclus entre commerçants, de s’interroger sur la possibilité d’insérer des clauses limitatives voire exclusives de responsabilité. Ces clauses vont permettre d’encadrer les éventuelles demandes de dommages et intérêts qui seraient formulées non seulement par les cocontractants, mais également par les tiers au contrat. Il ne faut cependant pas que telles clauses privent l’obligation essentielle du contrat de sa substance (article 1170 du Code civil).
Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Marine COMTE, Avocat en droit commercial