Par une décision du 5 juillet 2023 (Com. 5 juill. 2023, n° 22-11.621), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle qu’un vendeur professionnel est présumé irréfragablement connaitre les vices de la chose qu’il vend, de sorte qu’en utilisant cette présomption, la vente est résolue et le vendeur professionnel condamné à la restitution du prix versé et à la reprise du matériel vendu à ses frais exclusifs.

La particularité de cette décision repose sur la question qui était posée aux juges de la Cour de cassation de savoir si le caractère irréfragable de la présomption de connaissance des vices cachés par le vendeur professionnel portait atteinte au droit au procès équitable. En effet, le caractère irréfragable d’une présomption, par opposition à la présomption simple, signifie qu’il n’est pas possible de la renverser en démontrant la preuve contraire. Ainsi, le pourvoi avait fondé son argumentation sur le droit à la preuve afin de critiquer celle-ci. Il reprochait à ladite présomption d’interdire au vendeur professionnel d’apporter la preuve de sa bonne foi et de démontrer son ignorance du vice caché, de sorte que cette présomption irréfragable portait une atteinte disproportionnée à son droit à la preuve.

La Cour de cassation utilise le contrôle de proportionnalité dans sa motivation afin de mettre en balance la présomption irréfragable de connaissances des vices cachés par le vendeur professionnel avec le droit à la preuve fondé sur l’article 6, § 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales affirmant le droit à un procès équitable.

Après avoir rappelé sa jurisprudence, qu’elle qualifie d’ « ancienne et constante », la Cour de cassation considère que le caractère irréfragable de la présomption répond à un « objectif légitime de protection de l’acheteur » qui se trouve dans une position déséquilibrée par rapport au vendeur professionnel. Le droit au procès équitable du vendeur professionnel n’a donc pas été violée.

Comme la Cour de cassation le rappelle, il convient de partir du postulat que le vendeur professionnel « connaît ou doit connaître les vices de la chose vendue, qui a pour objet de contraindre ce vendeur, qui possède les compétences lui permettant d’apprécier les qualités et les défauts de la chose, à procéder à une vérification minutieuse de celle-ci avant la vente ».

Ainsi, la Cour de cassation en déduit qu’un vendeur professionnel est présumé avoir eu connaissance du vice. Cette présomption irréfragable joue lorsque l’acheteur est un consommateur mais également lorsqu’il est lui-même un professionnel. Une incertitude demeure, néanmoins, dans l’hypothèse où l’acheteur est un professionnel de même spécialité que le vendeur. La jurisprudence de la Cour de cassation excluait effectivement l’application de la garantie des vices cachés dans cette hypothèse. Or, elle ne l’a reprise dans la motivation de sa décision.

Conseil : la connaissance des vices de la chose vendue est une des conditions de la mise en œuvre de la garantie des vices cachés. Toutefois, le vendeur ayant la qualité de professionnel remplira toujours cette condition, peu importe qu’il puisse rapporter la preuve du contraire.

Cette décision de la Cour de cassation sur la présomption irréfragable de connaissance des vices cachés par le vendeur professionnel est, par ailleurs, doublement problématique :

  • Une présomption a pour objet d’alléger la charge de la preuve d’une partie subissant cette charge en substituant à l’objet initial de la preuve un objet plus facile à démontrer. Ainsi, à la différence d’une présomption simple (c’est-à-dire susceptible de la preuve contraire), certains auteurs considèrent que dans la mesure où une présomption irréfragable n’admet aucune preuve contraire, celle-ci ne relève pas d’une règle de preuve mais d’une règle de fond (G. LARDEUX, GUINCHARD, CHAINAIS et FERRAND).
  • Si l’on comprend l’objectif de protection de l’acheteur posé par la Cour de cassation, il est possible d’émettre des doutes sur l’effet incitatif de cette décision à l’égard des vendeurs professionnels puisque toute tentative de démonstration de preuve de son ignorance ou de sa bonne foi serait vaine.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Clémence LARGERON, avocat en droit commercial