Le pacte de préférence est défini par le nouvel article 1223 alinéa 1er du Code civil issu de la réforme du droit des contrats de 2016. Il s’agit d’un contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter.

En cas de conclusion d’un contrat entre le promettant et un tiers en contravention avec le droit de priorité octroyé au bénéficiaire, la réforme a repris en substance la jurisprudence telle qu’elle était issue d’un célèbre revirement de jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de cassation dans une décision du 26 mai 2006 (n°03-19.376), lequel mettait à la charge du bénéficiaire de prouver non seulement que le tiers avait connaissance de l’existence du pacte mais aussi qu’il connaissait l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

En l’espèce, le bénéficiaire d’un pacte de préférence sollicite la nullité de la vente intervenue en violation du pacte et sa substitution dans les droits du tiers. Le pourvoi soutenait qu’il appartenait à tout acquéreur professionnel, dès lors qu’il a connaissance de l’existence d’un pacte de préférence, de s’informer sur les intentions du bénéficiaire du pacte et qu’à défaut de pouvoir en justifier, il doit être présumé avoir eu connaissance de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Par une décision en date du 04 mars 2021 (n°19-22.971), la Cour de cassation rejette le pourvoi et réitère sa solution en exigeant que le bénéficiaire rapporte la double preuve de la connaissance du tiers et de son intention de se prévaloir du pacte de préférence.

Cette solution concerne des faits antérieurs à la réforme, mais elle est conforme aux nouvelles dispositions qui codifient la solution jurisprudentielle retenue antérieurement. En effet, le nouvel article 1123 alinéa 2 du Code civil exige toujours cette double preuve, il dispose que « Lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».

Toutefois, la réforme a créé une action interrogatoire à l’alinéa 3 du même article qui prévoit que le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. Il n’est donc pas certain que sous l’empire des dispositions nouvelles, la solution aurait été identique surtout que le bénéficiaire du pacte interrogé, s’il ne répond pas, ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat.

Cette action interrogatoire semble n’être qu’une possibilité, mais il reste donc à savoir si elle aura un effet sur la charge de la preuve incombant au bénéficiaire et si les arguments avancés par le pourvoi seront retenus par les juges lorsque des faits soumis seront postérieures à la réforme de 2016.

Conseil :

A destination du bénéficiaire du pacte de préférence qui aurait connaissance de l’identité d’un tiers, il serait opportun de lui notifier son intention de se prévaloir du pacte de préférence.

A destination du tiers qui aurait connaissance de l’existence d’un pacte de préférence liant un promettant et un bénéficiaire, dans le doute, il serait préférable d’utiliser l’action interrogatoire.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Clémence LARGERON
et Marine COMTE