La Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question de savoir si l’utilisation d’une marque enregistrée dans la réservation d’un mot-clé sur la plateforme Google Adwords ainsi que dans un code source constituait un acte de contrefaçon (Cass. com., 18/10/2023, n°20-20.055 FS-B).
En l’espèce, la société AQUARELLE ayant une activité de vente de fleurs, était titulaire d’une marque française et européenne Aquarelle qu’elle concédait en licence non-exclusive à la société AQUARELLE.COM pour la vente de fleurs sur un site internet. La société SCT exploitait également une activité de vente de fleurs et proposait sur son site internet des bouquets de fleurs.
Les sociétés AQUARELLE et AQUARELLE.COM reprochent à la société SCT d’avoir réservé le mot-clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords et d’avoir créé un risque de confusion avec les marques qu’elles détenaient dans le référencement de son site internet.
Après avoir rappelé le principe selon lequel la marque européenne et française enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif, la Cour de cassation cite la jurisprudence européenne qui considère que la contrefaçon n’est caractérisée que lorsque l’utilisation d’un signe identique à une marque enregistrée porte atteinte à une des fonctions essentielles de la marque, étant précisé que constitue une fonction essentielle la garantie au consommateur ou à l’utilisateur final de l’origine du produit ou du service et de les distinguer de ceux ayant une autre provenance.
Au regard de cet élément, la Cour de cassation a dû analyser si la Cour d’appel avait caractérisé l’atteinte à la fonction principale de la marque tel que définie ci-avant.
D’une part, s’agissant de la question de savoir si la société SCT pouvait réserver le mot-clé « Aquarelle » sur la plate-forme Google Adwords, la Cour de cassation rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle le titulaire d’une marque peut interdire une telle réservation sous certaines conditions. Notamment, il doit établir que l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers. En l’espèce, la Cour de cassation valide le raisonnement de la Cour d’appel qui a retenu que l’internaute moyen pouvait être éclairé sur l’identité du site internet et savoir que l’annonce correspondait au site internet de la société SCT et non à la société AQUARELLE.COM. Pour ce faire, elle a pris en compte les éléments suivants :
- l’annonce de la société SCT, était immédiatement suivie de l’annonce du site de la société AQUARELLE.COM,
- l’annonce ne faisait pas usage du signe « aquarelle », ni dans l’annonce elle-même, ni dans le lien, ni dans l’adresse URL ;
- l’annonce utilisait des termes courants pour décrire l’activité de livraison de fleurs commandées en ligne ;
- l’annonce affichait expressément le nom du site de la société SCT.
D’autre part, s’agissant de a question de l’utilisation de la marque dans un code source, la Cour de cassation retient la solution de principe suivante : « Le titulaire de la marque peut interdire l’utilisation d’un signe par un tiers dans le code-source de son site internet, même s’il n’est pas visible aux yeux du public, dès lors qu’il propose comme résultat à la recherche d’un internaute une alternative par rapport aux produits ou services du titulaire de la marque et qu’il ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par le référencement naturel proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d’un tiers ». Néanmoins, et en l’espèce, l’internaute moyen était éclairé sur la provenance du site internet dont le résultat s’affichait parmi les référencements naturels, de sorte qu’il n’y avait aucun risque de confusion sur l’origine des produits et services concernés.
Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Me Marine COMTE, avocat en droit commercial