L’article L. 51 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) accorde une garantie au contribuable en cas de contrôle fiscal. Il le protège contre le renouvellement d’une vérification de comptabilité. Cet article interdit à l’administration fiscale les vérifications de comptabilité successives au titre des mêmes périodes et des mêmes impôts. La violation de cette garantie a pour conséquence la nullité des impositions résultant de la seconde vérification.

La jurisprudence est venue apporter des précisions et des distinctions quant à cette garantie.

D’abord, en 1983, le Conseil d’État s’était prononcé au sujet du contrôle sur pièces succédant à une vérification de comptabilité en déclarant qu’il n’y a pas eu de méconnaissance de l’article L. 51 du LPF (CE 26-10-1983 n° 36822).

Puis, en 1985, le Conseil d’État s’était prononcé sur la situation inverse. Il s’agissait d’une affaire dans laquelle l’administration fiscale avait réalisé un contrôle sur pièces, puis, une vérification de comptabilité. Les juges ont décidé que l’article L. 51 du LFP n’y faisait pas obstacle (CE 20-03-1985 n° 45589).

En 2008, la solution de 1983 a été confirmée par les juges du Conseil d’État (CE 04-02-2008 n° 296651)

Plus récemment, le 5 février 2024, les juges ont dû examiner un dossier dans lequel un contrôle sur pièces a succédé à la conclusion d’une transaction (CE 05-02-2024 n° 470616). En l’espèce, la société CGI France a fait l’objet d’une vérification de comptabilité sur les exercices 2012 à 2014 et des redressements lui ont été proposés au titre de la TVA et de l’impôt sur les sociétés (relatif à la réintégration d’un passif injustifié). Le 21 mars 2016, l’administration fiscale et la société CGI France ont conclu une transaction prévoyant la réduction des pénalités en contrepartie de l’acceptation des rectifications et de leur paiement par la société.

En parallèle, une procédure de contrôle sur pièces a été engagée par l’administration fiscale et le 11 mars 2016, CGI France a reçu une proposition de rectification au titre de l’exercice 2014 pour la rectification de l’impôt sur les sociétés (remise en cause d’un mali de fusion).

S’agissant de la procédure, le tribunal administratif de Paris a déchargé la CGI France des impositions à raison de la seconde procédure et la Cour administrative d’appel a rejeté l’appel du Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique le 13 décembre 2022. Ce dernier s’est pourvu devant le Conseil d’État qui a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel.

Dans cet arrêt, la question posée aux juges est celle des effets de la conclusion d’une transaction sur le droit de l’administration à rectifier par la suite les mêmes impositions au titre des mêmes exercices que ceux visés par la transaction.

En l’espèce, dans la première procédure (vérification de comptabilité), l’administration fiscale a rectifié le montant de l’impôt sur les sociétés car elle reprochait à la société d’avoir réintégré un passif injustifié au titre de l’exercice 2014. Dans la seconde procédure (contrôle sur pièces), au titre de ce même exercice (2014), l’administration fiscale a de nouveau rectifié l’impôt sur les sociétés car elle remettait en cause un mali de fusion.

L’administration fiscale a rectifié l’impôt sur les sociétés de CGI France une seconde fois, au titre du même exercice et après la signature d’une transaction. Cependant, les deux fondements juridiques et les deux procédures successives n’étaient pas les mêmes.

D’une part, par cet arrêt, les juges confirment que l’article L. 51 du LPF ne fait pas obstacle à la succession d’une vérification de compatibilité (ayant abouti à une transaction) et d’un contrôle sur pièces.

D’autre part, il faut s’intéresser à l’effet de la transaction pour déterminer s’il est limité aux seuls droits et pénalités diminués dans cette dernière ou si son effet est plus large. En l’espèce, le 21 mars 2016, la transaction conclue entre l’administration fiscale et CGI France prévoyait la réduction des pénalités en contrepartie de l’acceptation des rectifications et du paiement des impositions supplémentaires. Dans cette affaire, l’effet de la transaction était limité aux droits et pénalités retenus dans la proposition de rectification.

Par conséquent, au moment de la conclusion d’une transaction avec l’administration fiscale, il convient de rester attentif à son objet qui peut être limité (aux droits et pénalités) et qui n’a pas pour effet de priver l’administration fiscale de son pouvoir de rectification pour engager un second contrôle, sur pièces au titre des mêmes impositions et des mêmes années que celles visées par la transaction.

Me Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal et Clémence THIBAUD, élève-avocate