L’ouverture d’une procédure collective rend impossible toute action en justice intentée par un créancier dont la créance serait antérieure, et ce, en application de l’article L.622-21 du Code de commerce (issu des dispositions relatives à la sauvegarde mais applicable par renvoi opéré aux articles L.631-14 et L.641-3 pour les procédures de redressement et de liquidation judiciaire).

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 juin 2021 vient préciser que ce principe d’interdiction des poursuites s’applique aux créances salariales (Cass. com., 30/06/2021, n°20-15.690 F-B).

Cette solution peut étonner dans la mesure où les créances salariales, créances superprivilégiées, bénéficient souvent d’un régime plus avantageux en cas d’ouverture d’une procédure collective. Par exemple, ces créances ne doivent pas être déclarées au passif de la procédure pour pouvoir être admises (article L.622-24 du Code civil applicable par renvoi opéré aux articles L.631-14 et L.641-3 pour les procédures de redressement et de liquidation judiciaire). Cela permet de protéger les salariés qui verraient leur employeur faire l’objet d’une procédure collective.

La Cour de cassation, faisant application de sa jurisprudence constante, rappelle que « si les créances salariales ne doivent pas être déclarées au passif de la procédure collective, elles sont toutefois soumises à l’arrêt des poursuites individuelles et des procédures civiles d’exécution ».

En l’espèce, la société débitrice avait été condamnée par un jugement du Conseil des prud’hommes à verser des dommages et intérêts à une ancienne salariée. Un appel de la décision a été interjeté. Avant que la Cour d’appel ne rende sa décision, une procédure de sauvegarde judiciaire a été ouverte à l’encontre de l’employeur. L’arrêt de la Cour d’appel a condamné la société débitrice au paiement de certaines sommes. Alors que le plan de sauvegarde était en cours d’exécution, l’ancienne salariée a fait délivrer au débiteur un commandement de payer aux fins de saisie-vente, c’est-à-dire qu’elle a mis en œuvre une procédure d’exécution forcée de la condamnation prononcée en appel.

Il résulte de la solution rendue par la Cour de cassation que la Cour d’appel, qui a relevé que la procédure d’exécution forcée était fondée sur une décision de justice ayant condamné le débiteur à payer une créance antérieure, aurait dû constater l’interdiction des poursuites consécutive à l’ouverture de la procédure collective. L’arrêt précise que la Cour d’appel avait même la possibilité de relever cet argument d’office.

En conséquence, cet arrêt est une illustration de plus de la technicité du traitement des créances salariales lors de l’ouverture d’une procédure collective.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Clémence LARGERON
Marine COMTE