Critiquer relève de la liberté d’expression mais en cas d’abus, deux régimes différents peuvent s’appliquer suivant que les propos sont qualifiés ou bien de diffamation, ou bien de dénigrement :

– L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

– L’article 1240 du Code civil (ancien article 1382) fonde l’action en responsabilité sanctionnant le dénigrement commercial consistant à dénigrer l’activité d’un commerçant ou d’une société commerciale en jetant le discrédit sur ses produits ou services.

Il est de jurisprudence constante que les deux fondements ont un champ d’application respectif, et que la condamnation ne pourra être recherchée que sur un seul des deux fondements en fonction de la qualification retenue, l’application de l’un excluant l’application de l’autre.

Deux décisions rendues récemment apportent des précisions sur ces deux qualifications :

La première est une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 15 janvier 2020 (n°17-27.778) opposant deux sociétés concurrentes sur le marché de la pizza.

En l’espèce, une des deux sociétés (A) a engagé une action en concurrence déloyale à l’encontre de son concurrent (B) pour pratiques illicites. Cette dernière (B) a agi de son côté en dénigrement à l’encontre de la première (A) en raison des propos et avis tenus par celle-ci, à savoir : des propos issus de commentaires sur les réseaux ou déduits d’un quizz conduisant à des réponses péjoratives concernant l’absence de fraicheur des produits alimentaires et l’illicéité des services rendus par la tête de réseau à ses franchisés (délais de paiement anormalement longs, etc.).  En défense, la société A se défendait en considérant que lesdits propos relevaient plutôt de la diffamation.

Dans sa décision, la Cour de cassation qualifie les propos litigieux de dénigrant en précisant qu’ils portaient sur la façon dont les services étaient rendus, la qualité des produits, et des services, les pratiques prétendument illicites mises en œuvre, etc.

La seconde est une décision du TGI de Nanterre du 21 novembre 2019 s’agissant d’un avis négatif tenu par un ancien salarié sur le réseau Google à l’encontre d’une auto-école, lequel relevait l’incompétence des moniteurs, d’un défaut de pédagogie, d’une recherche de profit au détriment des besoins et de l’intérêt des clients, de l’absence d’apprentissage réel de la conduite et d’une logique purement mercantile.

L’auto-école avait agi en responsabilité et l’ancien salarié opposait à celle-ci que les propos relèvent de la diffamation et que l’action est prescrite en raison des courts délais de prescription.

Dans sa décision, le TGI de Nanterre qualifie les propos de dénigrement et non pas de diffamation car ils visaient la qualité des services proposés par l’auto-école dans le but d’inciter une partie de la clientèle à s’en détourner et qu’ils ne portaient pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne physique ou morale exploitant l’auto-école.

Ainsi, dès lors que des propos portent sur les produits et services de la société, et non pas sur l’atteinte à l’honneur et la considération de la personne physique ou morale, ils sont qualifiés de dénigrement et non pas de diffamation.

En cas de qualification de diffamation, le recours au régime de responsabilité de droit commun de l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382) est exclu, c’est la loi de 1881 qui s’applique de manière exclusive, celle-ci prévoyant notamment des règles de prescription très courtes, ce qui est moins favorable pour la victime.

L’enjeu de qualification est donc important et nécessite d’être réactif.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial

et Clémence LARGERON, rédactrice & documentaliste