La loi n°2018 -287 du 20 avril 2018, publiée au journal officiel du 21 avril 2018, ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 marque le terme du processus de réforme du droit des contrats en introduisant diverses règles interprétatives ainsi que des modifications substantielles.

L’article 15 de la loi opère une distinction entre les règles interprétatives qui entreront en vigueur à la même date que les textes de l’ordonnance interprétés, soit le 1er octobre 2016, et les modifications substantielles qui entreront en vigueur le 1er octobre 2018. Ainsi, il convient désormais de distinguer trois droits applicables :

  • L’ancien droit des contrats qui s’applique aux contrats conclus avant le 1er Octobre 2016 ;
  • Le droit intermédiaire applicable aux contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et la date d’entrée en vigueur de la loi de ratification fixée au 1er octobre 2018 lequel comprend les règles interprétatives contenues dans la loi de ratification ;
  • Le droit nouveau issu de la loi de ratification (soit les modifications substantielles) applicable, s’agissant d’une modification substantielle, au 1er octobre 2018.

Les parlementaires ont également saisi l’occasion de la loi de ratification pour qualifier un certain nombre de dispositions de supplétives ce qui implique qu’il sera possible d’y déroger par convention. Ainsi sont qualifiées de supplétives les règles suivantes :

– l’article 1304-4 du Code civil prévoyant qu’une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif tant que celle-ci n’est pas accomplie ;

– l’alinéa 2 de l’article 1124 du Code civil relatif à l’exécution forcée en nature d’une promesse unilatérale de contrat ;

– l’article 1123 du Code civil relatif à la réduction unilatérale du prix en cas d’exécution imparfaite ;

– l’article 1195 du Code civil relatif à la révision pour imprévision (possibilité pour une partie de solliciter une renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisibles rendant excessivement onéreuse l’exécution pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque). La loi de ratification précise, par ailleurs, que la révision pour imprévision n’est pas applicable aux obligations résultant d’opérations sur titre ou contrat financier.

S’agissant des modifications substantielles apportées à l’ordonnance par la loi de ratification, les principales sont les suivantes :

  • L’article 1112 du Code civil relatif à la rupture fautive des pourparlers précise que ne pourront être indemnisées, à ce titre, ni la perte de l’avantage escompté, ni la perte de chance d’un tel avantage.
  • La loi de ratification ajoute à la caducité de l’offre en cas de décès du pollicitant prévu par l’article 1117 du code Civil l’hypothèse de la caducité de l’offre en cas du décès du destinataire. Il convient de préciser qu’il s’agit d’une règle supplétive qui pourrait donc être écartée par les parties.
  • La loi de ratification vient ajouter à la définition de l’abus d’état de dépendance prévue par l’article 1143 du Code civil en indiquant que cet état de dépendance doit exister « à l’égard» du cocontractant. Ainsi l’état de dépendance s’apprécie de manière relationnelle et ne peut être apprécié exclusivement à l’égard des tiers ou au regard de la situation de vulnérabilité (maladie, âge, etc..) de la personne concernée.
  • La loi de ratification modifie un certain nombre de dispositions suscitant des controverses au regard du droit des sociétés. Ainsi, l’article 11145 disposait que « la capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui lui sont accessoires». Cette précision était source d’interrogations et d’incertitudes. La loi de ratification l’a supprimée. L’article 11145 alinéa 2 du Code civil est modifié comme suit : « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles ». Cette modification ne rentrera toutefois en vigueur qu’au 1er octobre 2018.

De même, la loi de ratification modifie l’article 1161 du Code civil lequel indique qu’« un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ai autorisé ou ratifié ». A compter du 1er octobre 2018, l’article 11161 sera modifié comme suit : « en matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ai autorisé ou ratifié ». Ainsi, le nouvel article 1161 du Code civil ne sera pas applicable à la représentation des personnes morales (la personne physique se trouvant être le dirigeant de différentes sociétés pourra donc valablement signer, en qualité de représentant de chacune de ces sociétés, le contrat conclu entre elles, ce qui pose aujourd’hui difficulté au regard de la rédaction actuelle de l’article 1161 du Code civil), ni à la représentation de personnes physiques ne se trouvant pas en opposition d’intérêts.

  • La loi de ratification modifie la définition du contrat d’adhésion qui sera, à compter du 1er octobre 2018 : « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables déterminées à l’avance par l’une des parties». L’absence de négociabilité du contrat devient désormais le critère principal du contrat d’adhésion. Il convient de rappeler qu’en application de l’article 1171 du Code civil, dans un contrat d’adhésion, « toute clause qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». La pré constitution et la conservation de la preuve d’une négociation du contrat, qui permet d’échapper à la qualification de contrat d’adhésion, est donc capitale pour échapper à tout risque de sanction à ce titre.
  • L’article 1221 du Code civil subordonne désormais l’exclusion de l’exécution forcée en nature, en cas de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier, à la condition que le débiteur qui sollicite l’application de cette disposition soit de bonne foi.
  • L’article 1223 du Code civil relatif à la réduction du prix en cas d’exécution imparfaite est réécrit. A compter du 1er octobre 2018, l’article 1223 sera rédigé comme suit : « en cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé toute ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix ».
  • La cession de dettes devient un contrat solennel c’est à dire un contrat pour lequel l’écrit est exigé à peine de nullité.
  • L’article 1165 du Code civil relatif à l’abus dans la fixation du prix dans un contrat de prestations de services est réécrit et prévoit désormais qu’« en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. »

Conseil : la réforme du droit des contrats comprenant les précisions et modifications apportées par la loi de ratification du 20 avril 2018 doit impérativement être prise en compte par les différents agents économiques lors de la révision de leurs documents contractuels. Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.

Sophie WATTEL