Dans un arrêt du 23 novembre 2022 (n° 20-21924) publié au Bulletin et au rapport de la Cour de cassation, cette dernière fait évoluer sa jurisprudence relative au temps de travail des salariés itinérants.

Jusqu’alors, la Cour de cassation considérait que les déplacements quotidiens des travailleurs itinérants entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client relevaient, sans qu’il y’ait lieu à distinguer, de l’article L.3121-4 du Code du travail lequel dispose que le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n’est pas du temps de travail effectif, doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière (Cass. Soc. 30/05/2018 n° 16-20364, Bull. Civ. V n° 97).

La Cour de justice de l’Union européenne a mis en cause cette interprétation en rappelant que les notions de temps de travail et de période de repos constituant des notions propres au droit de l’union européenne, il convient de les définir selon des caractéristiques objectives en se référant à la directive 2003/88/CE (arrêt du 09/03/2021, RADIOTELEVIZIJA SLOVENYA C-344/19).

Dans son arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation en tire les conséquences en considérant qu’il y a lieu « de juger désormais que, lorsque les temps de déplacement accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites de son premier et dernier client répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L.3121-1 du Code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L.3121-4 du même Code ».

Il convient de rappeler qu’en application de l’article L.3121-1 du Code du travail, constitue un temps de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer des occupations personnelles.

Or, en l’espèce, la Cour d’appel a constaté que le salarié devait, en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main-libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous et d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs (clients, directeur commercial, assistantes et techniciens). La cour d’appel a ainsi fait ressortir que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et le premier et le dernier client, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Le temps de déplacement considéré devait donc être qualifié et rémunéré comme du temps de travail effectif.

Conseil : il convient de se montrer vigilant sur la qualification des temps de travail effectif et des temps de déplacement. Seuls les temps de déplacement pendant lesquels le salarié reste libre de vaquer à ses occupations personnelles sans avoir à se tenir à la disposition de son employeur, peuvent être qualifiés de temps de déplacement et échapper à la rémunération attachée au temps de travail effectif. Rappelons que le temps de déplacement doit cependant donner lieu à une contrepartie pouvant prendre la forme de repos ou d’une rémunération.

Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail