Les décrets n° 2024-811 et 2024-814 des 08 et 09 juillet 2024 sont venus fixer certaines modalités d’application de la loi 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration.
Cette loi a notamment institué à l’article L.8253-1 du Code du travail une amende administrative en cas d’emploi illégal d’un travailleur étranger (qui se substitue aux contributions spéciales qui existaient auparavant). L’amende, qui est appliquée autant de fois qu’il y a de travailleurs étrangers concernés, voit son montant modulé en fonction des capacités de l’employeur, du degré d’intentionnalité, de la gravité de la négligence ainsi que du montant des frais d’éloignement du territoire. Le montant maximal de ladite amende est fixé par la loi à 5000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 20.750 € maximum au 1er janvier 2024, par travailleur étranger concerné). Ce montant peut être majoré en cas de réitération de l’infraction dans un maximum de 15000 fois le taux minimum garanti (soit 62.250 €).
Le décret du 09 juillet 2024 prévoit toutefois que son montant pourra être réduit à 2000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 8.300 €) lorsque l’employeur s’est acquitté spontanément des salaires et indemnités dus au titre de la rupture du contrat de travail au travailleur étranger irrégulièrement employé. L’employeur dispose d’un délai de 30 jours à compter du constat de l’infraction pour verser ces sommes. L’employeur doit alors justifier de ce paiement auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et du ministre chargé de l’immigration.
S’agissant des frais d’éloignement, leur montant devra être fixé par arrêté ministériel en fonction du coût moyen des opérations d’éloignement suivant les zones géographiques.
Il est à noter que l’amende administrative visée ci-dessus peut se cumuler avec une sanction pénale pour emploi d’un étranger non autorisé à travailler sur le territoire français, tant que le montant global ne dépasse pas le montant le plus élevé d’une sanction encourue.
L’amende administrative est prononcée par le ministre chargé de l’immigration. Le décret précise que c’est au vu des procès-verbaux et rapports qui lui sont transmis que le ministre informe l’employeur, par tout moyen conférant date certaine, qu’une sanction administrative est susceptible de lui être infligée, et qu’il peut présenter ses observations, dans un délai de 15 jours. L’employeur doit alors être informé de son droit à solliciter une copie du procès-verbal d’infraction ou du rapport établissant l’infraction. Dans l’hypothèse où il exerce ce droit, le délai pour présenter des observations court jusqu’à l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la date de réception du procès-verbal.
A l’expiration du délai imparti pour présenter lesdites observations, le ministre chargé de l’immigration décide de l’application et du montant de l’amende au vu des éventuelles observations reçues. Sa décision doit être motivée et notifiée à l’employeur. Cette décision peut être contestée devant le Tribunal administratif dans le ressort duquel l’infraction a été constatée.
Outre l’amende administrative pour emploi illicite d’un travailleur étranger, les décrets précisent les règles applicables dans cette hypothèse s’agissant de la solidarité financière du donneur d’ordre.
Il convient de rappeler que les règles relatives à la solidarité financière du donneur d’ordre prévoient que toute personne doit vérifier, lors de la conclusion d’un contrat de 5.000 € HT en vue de l’exécution d’un travail, d’une prestation de service ou d’un acte de commerce et tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution de celui-ci, que son co-contractant s’acquitte notamment de ses obligations relatives à l’emploi de travailleurs étrangers.
Tirant les conséquences de la création de l’amende administrative susvisée, le décret du 09 juillet vient préciser que, au titre de ladite solidarité financière, le donneur d’ordre peut être condamné au paiement – outre des salaires et indemnités restant dus au travailleur étranger – de l’amende administrative nouvellement créée.
Le montant dû par le donneur d’ordre est déterminé en proportion de l’étendue des relations existant avec son co-contractant, en tenant compte notamment de la valeur des travaux réalisés, des services fournis et de la rémunération en vigueur dans la profession.
Une procédure similaire à celle relative à la fixation du montant de l’amende administrative est prévue au profit du donneur d’ordre dont la responsabilité est recherchée.
Les exigences relatives à la délivrance des autorisations de travail sont également renforcées. Ces exigences qui s’appliquent à l’employeur sont étendues au donneur d’ordre, à l’entreprise utilisatrice et à l’entreprise d’accueil. Outre le respect des obligations sociales liées au statut ou à l’activité de l’employeur, les décrets de juillet 2024 ajoutent que ces différentes personnes (employeur, donneur d’ordre, entreprise utilisatrice ou d’accueil) ne doivent pas avoir fait l’objet de condamnations pénales, de sanctions administratives ou d’un rapport administratif établissant un manquement grave en matière de :
– travail illégal ;
– infractions aux règles de santé et de sécurité au travail ;
– aide à l’entrée et au séjour irrégulier en France ;
– détachement de salariés en France ;
– atteintes à la personne humaine relevant du titre II du livre II du Code pénal ;
– faux et usage de faux.
S’agissant des salariés saisonniers, le demandeur devra également fournir la preuve que le travailleur disposera d’un logement lui assurant des conditions de vie décentes.
Le décret confère par ailleurs un pouvoir d’appréciation au préfet qui pourra refuser la demande d’autorisation lorsque le projet de recrutement sera manifestement disproportionné au regard de l’activité économique de l’employeur, du donneur d’ordre, de l’entreprise utilisatrice ou de l’entreprise d’accueil.
Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail