En application de l’article 271 I et II du CGI, la TVA qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération.

Toutefois, l’administration fiscale peut refuser le droit à déduction lorsqu’il est établi, au vu d’éléments objectifs, que l’opérateur savait ou aurait dû savoir qu’il participait à une fraude à la TVA commise dans le cadre d’une chaine de livraison de biens ou de prestations de services.

Par un arrêt rendu le 14 octobre dernier, le Conseil d’Etat rappelle à l’administration fiscale ses obligations en matière de charge de la preuve lorsqu’elle écarte la déductibilité de la TVA sur le fondement de la fraude.

En effet, tout assujetti est en principe tenu d’effectuer des contrôles sur ses fournisseurs afin de s’assurer que les opérations dans lesquelles il est impliqué, ne participent pas à une fraude à la TVA.

L’administration a, à ce titre, rédigé une fiche visant à donner 25 indices permettant de détecter une potentielle fraude carrousel. Vous la trouverez dans le lien suivant :

https ://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgfip/contrôle_fiscal/procedes_fraude/12_indices_fournisseur_reseau_carrouseliste.pdf.

Au cas particulier, il s‘agissait d’une entreprise spécialisée dans le courtage de quotas d’émission de gaz à effet de serre, qu’elle vendait ou achetait sur une plateforme d’échange spécialisée. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration lui a refusé la déduction de TVA figurant sur les factures de seize de ses fournisseurs de quotas de gaz.

Pour juger que l’administration avait démontré que seize des fournisseurs de la société s’étaient livrés à une fraude, les juridictions du fond et notamment la Cour Administrative d’Appel de Paris, se sont fondées sur les affirmations contenues dans la proposition de rectification en considérant qu’« elles avaient été établies par un agent assermenté et qu’elles faisaient foi jusqu’à preuve contraire », sans rechercher si la démonstration de la fraude avait été apportée opérateur par opérateur.

Le Conseil d‘Etat a cassé cette décision, rappelant que l’administration devait établir les éléments objectifs permettant de conclure que l’assujetti savait ou aurait dû savoir que la TVA dont il demandait la déduction, participait à une fraude, cette preuve devant être démontrée fournisseur par fournisseur.

En outre, l’administration doit également apporter des éléments permettant à la fois d’établir la fraude reprochée, les indices qui auraient pu permettre au mis en cause de soupçonner la fraude et enfin, les mesures qu’il aurait dû prendre raisonnablement pour ne pas se rendre complice d’une telle fraude.

Conseil : il importe d’être vigilant avec ses fournisseurs, s’il existe des indices permettant de soupçonner une méconnaissance par l’un d’entre eux de leurs obligations déclaratives ou de paiement de TVA, et de procéder à des contrôles afin de ne pas se retrouver complice d’un schéma de fraude carrousel à la TVA, dont les conséquences fiscales seraient désastreuses pour l’entreprise.

CE 14-10-2019 n° 421925, Sté Consus France

Me Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal

Me Alexandra GASC-MIZIAN, avocat