Par principe, une opération de fusion-absorption entraine la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée au profit de la société absorbante (article L.236-1 du Code de commerce). La Cour de cassation, a, par deux arrêts rendus les 25 et 26 novembre 2020, précisé cette notion de transmission universelle de patrimoine sur deux points distincts (Cass. crim., 25 nov. 2020 n°18-86.955 et Cass. civ. 3ème, 26 nov. 2020, n°19-17.824).

La responsabilité pénale

La Cour de cassation avait pour habitude de faire prévaloir la règle posée par l’article 121-1 du Code pénal, selon laquelle on ne peut être pénalement responsable que de son propre fait, sur celle de la transmission universelle du patrimoine. Cette solution persistait alors même que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait considéré que la société absorbante pouvait être tenue pénalement responsable pour des infractions commises par la société absorbée avant l’opération de fusion (CJUE, 5 mars 2015, C-343/13).

Dans son arrêt du 25 novembre 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence (Cass. crim., 25 nov. 2020 n°18-86.955). Elle considère :

  • Que la mobilisation de l’article 121-1 du Code pénal pour exclure la responsabilité pénale de la société absorbante méconnait le principe de la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée et sa dissolution sans liquidation ;
  • Que l’activité économique de la société absorbée se poursuit dans le cadre de la société absorbante. Cela a été également affirmé par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 24 octobre 2017, n°37858/14)

Par cette décision, la Cour de cassation considère que dans le cadre des fusions absorbions qui entrent dans le cadre de la directive 78/855 (aujourd’hui remplacée par d’autres), la société absorbante peut être pénalement responsable pour des faits commis par la société absorbée.

 La garantie décennale

 Dans son arrêt du 26 novembre 2020, la Cour de cassation précise qu’en vertu de la force obligatoire des contrats, l’assurance souscrite au titre de la garantie décennale par la société absorbée ne peut couvrir le paiement de la dette payée par la société absorbante au titre de la garantie décennale.

Nonobstant la transmission universelle du patrimoine, si le contrat d’assurance conclu par la société absorbée exclu toute transmission du contrat, même à une société absorbante, l’assureur ne sera pas tenu de rembourser la dette de responsabilité civile au titre de la garantie décennale de la société absorbée.

Il s’agit là d’une application du principe selon lequel les contrats conclus intuitu personae sont exclus de la transmission universelle de patrimoine.

Conseil : avant toute opération de fusion-absorption, un audit est nécessaire en vue de rechercher d’éventuelles infractions commises par la société qui sera absorbée et/ou d’identifier les contrats qui pourront ou non être transférés.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial,
Clémence LARGERON,
Marine COMTE