La Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après « CEDH ») a été saisie d’un litige portant sur la contestation d’une condamnation pénale d’une société pour des faits qui étaient imputables à une autre société ayant fait l’objet d’une dissolution sans liquidation emportant transmission universelle du patrimoine de la société absorbée au profit de la société absorbante.

En l’espèce, la société requérante a recueilli la patrimoine d’une société dont elle détenait la totalité du capital par transmission universelle et a, ensuite, été condamnée par la Cour de cassation au paiement d’une amende pour des pratiques restrictives de concurrence imputables à la société ayant été juridiquement absorbée (Décision de la Cour de cassation en date du 21 janvier 2014).

La société requérante contestait cette condamnation aux motifs qu’elle est au contraire au principe de la personnalité des peines garantit par l’article 6 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

La question qui se posait à la CEDH était de savoir si la société peut être condamnée à une amende pour de tels faits, lesquels ont été commis par une société qui n’existe plus.

Par une décision en date du 1er octobre 2019 (CEDH, 01/10/2019, n°37858/14, Sté CARREFOUR France C/ France), la CEDH a répondu que cette condamnation était possible et qu’elle ne portait pas atteinte au principe de la personnalité des peines.

La Cour se fonde, en effet, sur le principe de « la continuité économique de l’entreprise qui vise à prendre en compte la spécificité de la situation générée par la fusion-absorption d’une société par une autre » et qu’ainsi l’activité se poursuit par la société absorbante puisqu’il y a transmission du patrimoine mais aussi des actionnaires et que la société absorbée continue à travers la société absorbante.

Ce faisant, elle reprend les arguments du Gouvernement qui considérait que « le principe de proportionnalité des peines peut faire l’objet d’adaptations justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et proportionnées à cet objet » et que les personnes morales ont des spécificités par rapport aux personnes physiques.

Ainsi, si le principe de la personnalité des peines est, certes, applicable, il apparaît en l’espèce qu’il n’a pas été méconnu. C’est pourquoi, une amende peut être prononcée à l’encontre d’une société ayant recueilli le patrimoine d’une autre société.

Conseil : dans le cadre de toute opération ayant pour objet la transmission de patrimoine, il est important de s’assurer que le cocontractant qui recueille le patrimoine ait connaissance de l’ensemble de la situation économique, patrimoniale, sociale, etc. de la société juridiquement transmise. Cela passe en partie par la rédaction de clauses spécifiques dans les actes afférents à l’opération envisagée.

Me Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des sociétés

Me Serge VICENTE, avocat

Me Simon POLGE, avocat