Dans un arrêt du 18 mars 2020 destiné à une très large publication, la Cour de cassation précise qu’« aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. »

En l’espèce, en déboutant le salarié au motif que les documents produits n’avaient pas été établis au moment de la relation contractuelle et avaient été modifiés entre la première instance et l’appel, la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié et, en conséquence, violé les textes susvisés.

Dans la note explicative accompagnant cet arrêt, la Cour de cassation précise abandonner la notion d’étaiement des heures supplémentaires qui prévalaient jusqu’alors (il était de jurisprudence constante que le salarié devait préalablement fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande) afin d’y substituer l’expression de présentation par le salarié d’éléments à l’appui de sa demande. La Chambre sociale rappelle que ces éléments doivent être suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments tout en mettant l’accent sur les obligations pesant sur ce dernier quant au contrôle des heures de travail effectuées. La Cour de cassation rappelle par ailleurs que les juges du fond apprécient souverainement l’importance et le montant des créances salariales à ce titre.

Cette évolution notable de la jurisprudence doit amener les employeurs à se montrer particulièrement vigilants sur le contrôle des heures de travail effectuées par les salariés et la nécessité de s’en préconstituer la preuve. Comme le rappelle la Cour de cassation et conformément à l’article L. 3171-2 alinéa 1er du Code du travail, dès lors que les salariés de l’entreprise ne sont pas tous soumis au même horaire collectif, il est impératif pour l’employeur d’établir des documents permettant le décompte de la durée du travail des salariés et dont le détail est fixé par le Code du travail.

Le cabinet se tient bien entendu à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en place de tels documents de décompte et de contrôle, lesquels joueront un rôle capital en cas d’éventuels contentieux.

Me Sophie WATTEL, avocat spécialiste en droit du travail