Le Conseil d’Etat a rendu récemment deux arrêts portant sur la détermination de la résidence fiscale d’un contribuable en présence d’élément d’extranéité, qui nous permettent de faire le point sur l’articulation entre les règles fiscales internes et les dispositions des conventions internationales.

Le premier porte sur l’application du droit interne.

Ainsi, déterminer l’Etat d’imposition des revenus d’une personne physique, le juge national applique en premier lieu le droit français. Selon l’article 4 B du Code général des impôts, un contribuable est imposé en France si :

  • Il a en France son foyer ou son lieu de séjour principal,
  • Il exerce en France une activité professionnelle salariée ou non, à moins que cette activité soit exercée à titre accessoire, ou s’il est le dirigeant d’une grande entreprise française qui réalise un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’euros,
  • Il a en France le centre de ses intérêts économiques.

Si l’un de ces critères est rempli, le contribuable sera réputé avoir son domicile fiscal en France sauf conflit de résidence entre deux Etats.

Par un arrêt du 7 octobre 2020, le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur critère du centre des intérêts économiques, les deux premiers critères n’étant pas remplis par le contribuable vivant en Belgique et y exerçant son activité professionnelle. Dans cette affaire, les juges du fond ont estimé que le couple avait le centre de ses intérêts économiques en France car il y possédait des sociétés et des biens immobiliers. Le Conseil d’Etat censure les décisions du fond car il convenait de rechercher si ce patrimoine était productif de revenus. Le contribuable avait démontré qu’il percevait la majorité de ses revenus en Belgique et que les revenus de source française étaient exceptionnels sur une des années en cause (distribution de dividendes) et inexistants sur la deuxième. La détention d’un patrimoine en France n’est donc pas suffisante pour fixer le lieu de résidence fiscale s’il n’est pas productif de revenu ou si les revenus restent exceptionnels. La circonstance en l’espèce que la majorité des revenus du couple provenait d’activité professionnelle exercée en Belgique à emporter la conviction de la haute juridiction.

Le deuxième arrêt porte sur un conflit de résidence entre deux Etats selon leur propre droit interne. Dans cette hypothèse le conflit est réglé par les dispositions conventionnelles qui prévalent sur le droit interne.

Dans la plupart des conventions fiscales internationales, la définition du domicile fiscal est établie sur le modèle de l’OCDE qui dans son article 4 prévoit que « le résident d’un Etat contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

Dans un arrêt du 16 juillet 2020, le Conseil d’Etat a eu à appliquer la convention fiscale franco-brésilienne qui adopte la définition du domicile fiscal prévue à l’article 4 de la convention modèle OCDE. Cette convention prévoit des critères successifs à l’établissement de la résidence fiscale :

  • Un contribuable est considéré comme résident d’un Etat où il dispose d’un foyer permanent. Quand il dispose d’un foyer permanent dans chaque Etat contractant il est résident de l’Etat avec lequel ses liens économiques ou personnels sont les plus étroits (centres des intérêts vitaux).
  • Si l’Etat contractant dans lequel le contribuable a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé ou si le contribuable à ses intérêts vitaux dans plusieurs Etats contractants, il est considéré comme résident de l’Etat contractant dans lequel il séjourne de manière habituelle.

Si le contribuable séjourne de manière habitue dans chacun des Etats contractants ou s’il ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux il est considéré comme résident de l’Etat contractant duquel il possède la nationalité.

  • Si le contribuable possède la nationalité des deux Etats ou s’il ne possède la nationalité d’aucun d’eux, les autorités compétentes des deux Etats contractant tranchent la question d’un commun accord.

Dans le cas soumis au Conseil d’Etat, la question du séjour habituel devait être tranchée.

La haute juridiction estime que le séjour habituel dans un Etat s’apprécie au regard de la durée, de la fréquence et de la régularité des séjours dans cet Etat qui font partie du rythme de vie normal de la personne et qui ont un caractère plus que transitoire sans qu’il y ait lieu de rechercher si la durée totale des séjours qu’elle y a effectué excède la moitié de l’année. A ce titre les tampons figurant sur un passeport peuvent aider à déterminer le lieu de séjour habituel. En recherchant la régularité des séjours et le rythme de vie normal de la personne, il peut être considéré qu’un contribuable séjournant moins de 183 jours par an dans un Etat soit pourtant considéré comme résident de cet Etat.

La détermination de l’Etat de résidence est un sujet complexe qu’il convient d’analyser au cas par cas dans un premier temps au regard du droit interne et ensuite en application des conventions internationales.

Conseil d’Etat 7 octobre 2020 n°426124

Conseil d’Etat 16 juillet 2020 n° 436570

Marlène ALONSO, avocat spécialiste en droit fiscal