Sans remettre en cause la réalité des opérations pendant la période dite intercalaire, l’effet rétroactif conféré à la fusion permet à la société bénéficiaire de l’apport de se substituer à la société apporteuse pour la détermination du résultat imposable pour l’ensemble des opérations réalisées avant la fusion.

La doctrine administrative, par une publication au Bulletin Officiel des Impôts du 03 octobre 2018, a fixé des limites à la remontée dans le temps de l’effet rétroactif selon les règles suivantes :

  • Par principe, l’effet rétroactif ne peut remonter au-delà de la date d’ouverture de l’exercice au cours duquel le traité d’apport est définitivement conclu.

Par exemple, si deux sociétés clôturent leur exercice social au 31 décembre 2020, la fusion réalisée au 1er février 2021 peut prévoir un effet rétroactif remontant au plus tôt le 1er janvier 2021 mais ne peuvent faire remonter l’effet de la fusion au 1er janvier 2020.

  • Lorsque la fusion met en jeu une société nouvelle, l’effet rétroactif ne peut pas remonter au-delà du jour d’ouverture de l’exercice au cours duquel la société nouvelle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

Si la société absorbante est créée le 1er février 2021, la fusion absorption décidée le 3 juin 2021 d’une société clôturant son exercice social le 31 décembre 2020, ne peut pas remonter avant la date de création de la société absorbante soit le 1er février 2021.

  • Lorsque la société absorbée ou apporteuse n’a clos aucun exercice au cours de l’année civile précédant l’apport, en application des articles 37 et 209 du Code Général des Impôts, la société doit déposer une déclaration provisoire de résultat au 31 décembre de l’année civile concernée. Dans ces conditions, l’effet rétroactif ne peut avoir pour conséquence de remonter au-delà du 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’opération a été approuvée.

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision du Ministre de l’Economie et des Finances ayant refusé d’abroger cette dernière partie de la doctrine, le Conseil d’Etat vient de confirmer les précisions administratives figurant au Bulletin Officiel des Impôts précité.

L’espèce était la suivante : deux sociétés ayant clôturé leur exercice social au 31/12/2017 ont décidé de fusionner.

Par une décision d’assemblée générale extraordinaire prise en mai 2018, les actionnaires de la société absorbante ont approuvé le traité de fusion fixant un effet rétroactif au 1er janvier 2018. La société absorbée a reporté la date de clôture de son exercice au-delà du 31 décembre 2018. Les formalités de publicité de la fusion n’ont été publiées qu’en juillet et septembre 2019. L’administration a refusé de tenir compte de l’effet rétroactif au 1er janvier 2018, estimant que la fusion ne pouvait rétroagir à une date antérieure au 1er janvier 2019, conformément à la doctrine précitée imposant à la société absorbée, qui n’avait pas clôturé d’exercice au cours de l’année civile 2018, de déposer au titre de l’année 2018 une déclaration provisoire de résultat conformément aux articles 37 et 209 du Code Général des Impôts.

Par cette décision, le Conseil d’Etat confirme qu’une fusion ne peut rétroagir ni à une date antérieure à la plus récente des dates d’ouverture des exercices des sociétés participantes, ni lorsque la société absorbée n’a pas clos d’exercice comptable au cours de l’année civile précédente, avant le 1er janvier de l’année de la fusion.
CE 13/09/2021 n° 451564, société ADIS

Marlène ALONSO
Avocat spécialiste en droit fiscal