La loi de financement de la sécurité sociale a été définitivement adopté le 4 décembre 2023. Puiseurs recours ont cependant été introduits devant le Conseil constitutionnel, suspendant ainsi la promulgation de la loi.

Les principales mesures sont décrites ci-après :

 

  1. Les mesures relatives aux arrêts de travail

Les règles encadrant la transmission au service du contrôle médical de la CPAM du rapport du médecin-contrôleur mandaté par l’employeur sont modifiées :

– la transmission s’imposera non seulement en cas d’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré ou de visite concluant à l’absence de justification de l’arrêt de travail, mais à l’avenir également en cas de constat d’absence de justification de sa durée ;

-le délai maximal de transmission sera porté à 72 h (au lieu de 48 h).

Si le rapport du médecin-contrôleur conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail ou de sa durée, le médecin devra en informer, dans les 72 h, l’organisme local d’assurance maladie, qui suspendra automatiquement le versement des IJSS. Cette mesure fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel.

Le service du contrôle médical de l’Assurance maladie pourra, à la vue du rapport, décider le cas échéant de procéder à un nouvel examen de la situation de l’assuré. Celui-ci sera obligatoire en cas d’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré ou si l’arrêt de travail est en lien avec une affection de longue durée.

Le service du contrôle médical pourra en outre être saisi par l’assuré, sur demande formulée par l’intéressée auprès de son organisme de prise en charge. Les délais de procédure seront fixés par décret.

Dès lors qu’il y a nouvel examen, il ne pourra pas y avoir de suspension du versement des IJSS jusqu’à ce que ce service ait statué.

Par ailleurs, la LFSS encadre la prescription des arrêts de travail via la télémédecine : ils ne pourront pas porter sur plus de 3 jours, ni avoir pour effet de porter à plus de 3 jours la durée d’un arrêt de travail déjà en cours.

Cette nouvelle règle prévoit toutefois deux exceptions :

-prescription ou renouvellement de l’arrêt de travail par le médecin traitant ou la sage-femme référente de l’assuré ;

-impossibilité justifiée par le patient de consulter un professionnel médical compétent pour obtenir une prolongation de l’arrêt de travail.

Cette mesure fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel.

Enfin, la loi supprime le délai de carence IJSS en cas d’interruption médicale de grossesse. Pour les employeurs devant, en vertu d’un accord collectif, maintenir tout ou partie du salaire sous déduction des IJSS dans les 3 premiers jours d’arrêt de travail, le montant de l’indemnisation complémentaire « employeur » sera donc réduit du montant des IJSS pour les salariées et les jours concernés.

  1. Clarification du régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle

Afin de lever toute ambiguïté suscitée par la loi du 14 avril 2023, la LFSS pour 2024 prévoit une nouvelle rédaction du second alinéa du 7° du II de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale lequel est complété par les mots : «, y compris lorsqu’elles sont imposables et dans la limite des montants prévus aux a et b du 6° du même article 80 duodecies »

Ainsi, il est confirmé que les indemnités de rupture conventionnelle individuelles sont exonérées de cotisations et de CSG/CRDS dans la limite de deux plafonds annuels de la sécurité sociale, « y compris lorsqu’elles sont imposables », à hauteur du montant le plus élevé entre soit le minimum légal ou conventionnel de l’indemnité de licenciement, soit 50 % de l’indemnité ou deux fois la rémunération annuelle brute du salarié sur l’année civile précédant la rupture.

Le Bulletin officiel de la sécurité sociale a d’ailleurs également été mis à jour sur ce point en date du 28 novembre 2023.

  1. Participation aux frais de transport domicile- travail par services de location de vélos privés

À compter du 1er juillet 2024, la prise en charge des frais de transport est étendue aux titres d’abonnement de location de vélos souscrits auprès d’opérateurs privé (mesure actuellement réservée aux seuls opérateurs publics).

Cette prise en charge est exonérée de cotisations sociales, CSG, CRDS ainsi que d’impôt sur le revenu.

Par ailleurs, l’extension du bénéfice des exonérations sociale et fiscale pour les années 2022 et 2023 à la prise en charge facultative de l’employeur, c’est-à-dire la part au-delà de 50 %, dans la limite de 25 % du prix des titres d’abonnement est maintenu en 2024.

  1. Modification du plafond des rémunérations éligibles à la réduction des taux des cotisations maladie et allocations familiales

Les employeurs bénéficient actuellement d’une réduction du taux :

–  de la cotisation patronale d’assurance maladie de 6 points (7% au lieu de 13 %) pour les salariés dont la rémunération annuelle est au plus égale à 2,5 Smic ;

–  de la cotisation d’allocations familiales de 1,80 point (3,45% au lieu de 5,25 %) pour les salariés dont la rémunération annuelle est au plus égale à 3,5 Smic.

Les plafonds de salaire applicables à ces réductions seront désormais décorrélés du SMIC et fixés par décret.

  1. Simplification de la procédure d’abus de droit

La procédure d’abus de droit permet d’écarter un acte et de procéder au redressement des sommes normalement dues si celui-ci n’avait pas été accompli. Elle s’applique aux actes qui, ou bien ont un caractère fictif, ou bien recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis et n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle.

Cette procédure est très peu utilisée en raison de sa lourdeur. D’où les mesures de simplification suivantes :

–  le comité des abus de droit est supprimé. Seules s’appliqueront les règles de droit commun en matière de contentieux de la sécurité sociale : saisine préalable de la commission de recours amiable après notification de la mise en demeure, puis recours contentieux devant le juge judiciaire.

– conformément au droit commun, le cotisant pourra demander une prolongation de la période contradictoire pour répondre à la lettre d’observations (délai de réponse porté de 30 jours à 60 jours).

  1. Les stages des lycéens professionnels sont exemptés de cotisations (cotisations sociales, CSG, CRDS, etc.)

  1. Modification des règles de décompte des salariés mis à disposition par des groupements d’employeurs

A une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2026 :

–  les salariés mis à la disposition, en tout ou partie, d’un ou de plusieurs de ses membres par un groupement d’employeurs ne seront pas pris en compte dans l’effectif de ce groupement d’employeurs (sauf s’agissant des relations collectives de travail) ;

–  les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs seront pris en compte par l’entreprise utilisatrice à due proportion de leur temps de travail, pour le calcul de ses effectifs (sauf pour la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles).

  1. Renforcement de la lutte contre la fraude sociale

– Création du délit de facilitation de la fraude sociale : « la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, comptables, financiers, ou informatiques ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à la déclaration et au paiement des cotisations et contributions sociales dues ou d’obtenir une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu d’un organisme de protection sociale ».

Sanction : peine de 3 ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende multiplié par 5 pour les personnes morales.

– Précision concernant le délit d’incitation à la fraude sociale qui se défini comme « le fait d’inciter autrui, par quelque moyen que ce soit, à :

–  se soustraire à l’obligation de s’affilier à un organisme de sécurité sociale ;

–  se soustraire à la déclaration et au paiement des cotisations et contributions sociales dues ;

–  obtenir frauduleusement le versement de prestations, allocations ou avantages servis par un organisme de protection sociale ;

–  refuser de se conformer aux prescriptions de la législation en matière de sécurité sociale.

Sanction : peine de 2 ans et/ou d’une amende de 30 000 €.

– Le délit d’organisation de la fraude sociale (fait d’organiser ou de tenter d’organiser, par voies de fait, menaces ou manœuvres concertées, le refus par les assujettis de se conformer à leurs obligations) est plus sévèrement réprimé : peine de 3 ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende.

Me Sophie WATTEL, avocat spécialiste en droit du travail