Dans trois arrêts rendus le 06 mars 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient préciser que la mise à disposition d’une copie d’un logiciel par téléchargement et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d’un prix, implique le transfert du droit de propriété de cette copie (Cass. Com. 06/03/2024, n° 22-22.651, 22-23.657 et 22-18.818, FS-B).

Dans les espèces ayant donné lieu aux arrêts rendus par la Cour de cassation, la question se posait de savoir si le titulaire des droits sur un logiciel donné en licence devait revendiquer, dans la procédure de collective ouverte à l’encontre de son licencié, la propriété dudit logiciel sur le fondement de la clause de réserve de propriété, ou, à défaut, en revendiquer le prix.

En procédure collective, conformément à l’article L.624-16 du Code de commerce, les propriétaires de biens dont le débiteur a la possession matérielle doivent en revendiquer la propriété. Il en est ainsi des biens vendus avec réserve de propriété, et des biens donnés en location.

En l’espèce, le propriétaire des logiciels a cru pouvoir raisonner de la même façon. Toutefois, et dans ce cas, cette revendication de propriété était inutile pour deux raisons.

D’une part, le logiciel étant une chose ubiquiste, la concession d’une licence d’exploitation sur une copie de logiciel n’empêche par son propriétaire de jouir dudit logiciel (sous réserve d’une exclusivité). En effet, le logiciel est un bien immatériel de sorte que sa possession par une personne n’empêche pas la possession par une autre, notamment son propriétaire.

D’autre part, si la copie du logiciel est une chose matérielle, elle n’existe que dans la mesure où elle est indispensable à la jouissance du bien loué (le logiciel), ce qui est une obligation essentielle du contrat de licence. Il n’y a donc pas besoin de revendiquer ce bien – elle n’a pas d’existence autonome.

Dans l’hypothèse où une licence d’utilisation d’un logiciel serait conclue avec exclusivité, le raisonnement serait différent. En effet, et dans ce cas, seul le licencié pourrait jouir de la chose immatérielle et la posséder. Pour que le propriétaire puisse retrouver cette possession, il est raisonnable de penser qu’il conviendrait de revendiquer le bien.

Nous rappelons en outre que si un contrat de licence, ou de location, fait l’objet d’une publication, le propriétaire de la chose louée est dispensé de revendiquer le bien et pourra en retrouver la jouissance, conformément à l’article L.624-10 du Code de commerce.

Me Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Me Marine COMTE, Avocat en droit commercial