La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 13 septembre 2023, deux arrêts de principe, faisant l’objet à la fois d’un communiqué et d’une publication au Bulletin et au Rapport annuel de la Cour de cassation. Ces arrêts opèrent  opérant un revirement majeur s’agissant de l’acquisition de jours de congés payés durant les périodes de maladie (CCASS. SOC., 13/09/2023, n° ***************).

En application de l’article L.3141-3 du Code du travail, la Cour de cassation considérait jusqu’alors que les salariés n’acquièrent pas de droits à congés payés pendant les absences pour maladie non professionnelle et, sur le fondement de l’article L.3141-5 du Code du travail, que l’acquisition de jours de congés payés par les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle était limitée à un an.

Cependant, la Cour de cassation a souligné à de multiples reprises et depuis plusieurs années -notamment dans ses rapports annuels – la non-conformité du droit français au droit communautaire. En effet, la Directive 2003/88/CE du 04 novembre 2023 relative au temps de travail prévoit un droit à congés payés d’au moins quatre semaines sans distinction.

Les directives européennes n’ayant pas d’effet direct dans les litiges entre particuliers, elle ne permet pas au juge d’écarter les dispositions nationales contraires, ce qui a conduit la Cour de cassation à maintenir sa jurisprudence en la matière tout en alertant les pouvoirs publics s’agissant de cette non-conformité.

L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ayant donné force contraignante à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et notamment à son article 31 paragraphe 2 prévoyant que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, a changé la donne.

C’est sur la base de ce texte et tout en faisant référence à la directive de 2003 que la Cour de cassation vient écarter les dispositions du droit français qu’elle estime contraires au droit de l’Union européenne, à savoir une partie des articles L.3141-3 et L.3141-5 du Code du travail.

La Cour de cassation fixe les règles suivantes :

  • Les salariés acquièrent des droits à congés payés pendant la suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle ;
  • Les salariés dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle acquièrent des droits à congés payés pendant la durée de suspension de leur contrat de travail et sans limitation de durée.

La Cour de cassation précise dans sa notice destinée à son rapport annuel que le salarié malade peut prétendre à l’intégralité des droits à congés payés « sans faire de distinction entre les quatre semaines minimales garanties par l’article 7 de la directive 2003/88/CE et les droits issus de dispositions purement nationales telle que la cinquième semaine légale de congés payés et les congés payés d’origine conventionnelle ».

En l’état du droit, les salariés en arrêt maladie doivent donc être considérés comme acquérant des jours de congés payés, étant précisé que ce revirement est immédiatement applicable, la Haute juridiction ayant choisi de ne pas aménager ses effets, ce qu’elle a pourtant pu faire dans d’autres cas.

Seule une intervention du législateur pourra venir modifier et notamment atténuer cette règle en limitant par exemple son application au seul droit à congés payé visé par la directive de 2003, soit quatre semaines de congés payés annuels, ainsi qu’éventuellement en limitant la période de report.

Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail