Les titulaires du célèbre jeu de casse-tête ont voulu protéger la forme, bien reconnaissable, de ce dernier, par le biais du droit des marques. En 1999 a donc été enregistrée une marque européenne tridimensionnelle auprès de l’EUIPO (office européen pour la propriété intellectuelle).
Après des années de contentieux, le tribunal de l’Union européenne dans un arrêt du 24 octobre 2019 (Trib. UE, 24 oct. 2019, aff. T-601/17, Rubik’s Brand Ltd c/ EUIPO) confirme la décision rendue par la chambre des recours de l’EUIPO : la forme du rubik’s cube est essentiellement dictée par sa fonction technique. En conséquence, aucune protection par la marque ne peut lui être conférée.
Pour ce faire, le tribunal a raisonné en deux temps :
- Il a d’abord procédé à l’identification des caractéristiques essentielles du signe tel que représenté ;
- Il a ensuite analysé la fonctionnalité de ces caractéristiques.
Le Tribunal approuve la chambre des recours d’avoir retenu que les deux caractéristiques essentielles de la marque tridimensionnelle, à savoir, d’une part, la forme globale du cube, d’autre part les lignes noires et les petits carrés sur chaque face du cube, sont nécessaires au résultat technique recherché par le casse-tête, nonobstant leur insuffisance à obtenir ledit résultat.
Néanmoins, ne doivent pas être prises en compte les couleurs différentes des six faces du cube parmi les caractéristiques essentielles de la marque contestée dès lors que cette caractéristique n’est pas présente dans la marque enregistrée.
Cette solution s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle visant à limiter le contournement des protections conférées par la propriété intellectuelle. En effet, les instances relatives à la propriété intellectuelle veillent à ce que les opérateurs économiques ne substituent pas à la protection illimitée dans le temps (sous réserve de procéder à un renouvellement) conférée par le droit des marques, une protection limitée à vingt ans accordée par un dépôt de brevet. Dès lors qu’une forme enregistrée à titre de marque est essentiellement dictée par des fonctions techniques, c’est le brevet qu’il faut solliciter pour obtenir une protection. En conséquence, pas de protection à multiples facettes possible pour ce jeu multi-faces !
Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Marine COMTE, Stagiaire