La Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 14 avril 2021 rappelle plusieurs précisions utiles s’agissant de la protection des marques (Cass. com., 14/04/2021, n°18-21.695).

D’une part, l’arrêt est revenu sur la condition de distinctivité, nécessaire à la validité d’une marque. Si la condition de distinctivité est devenue une condition autonome depuis la transposition du « Paquet marque » en 2019, c’est-à-dire que la marque doit en tant que telle être perçue comme la désignation de produits et services, il est traditionnellement admis que cette marque ne doit pas être descriptive. Est descriptive une marque qui désigne, notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service.

Dans l’arrêt cité, la question s’était posée de savoir si la marque « Immo Reso » était suffisamment distinctive pour désigner des activités de gérance de biens immobiliers et d’estimations immobilières. La Cour d’appel avait répondu positivement, estimant que le caractère distinctif était certes atténué, mais présent dans la mesure où « Immo Reso » n’était pas la désignation nécessaire et obligatoire des produits et services couverts par la marque. La Cour de cassation censure ce raisonnement, reprenant à son compte une interprétation européenne des dispositions relatives au droit des marques. En effet, le droit des marques français est issu d’une transposition du droit européen, et la Cour de justice de l’Union européenne a déjà jugé que l’existence de synonymes pour désigner les mêmes caractéristiques de produits et services mentionnés dans la demande d’enregistrement de la marque était indifférente pour l’appréciation du caractère distinctif de ladite marque (CJUE, 12/02/2004, C-363/99, Koninklijke KPN Nederland). Il en résulte que peu importe que les termes enregistrés à titre de marque ne soit pas exclusivement la désignation nécessaire d’un produit ou d’un service, du moment qu’il s’agit d’une désignation possible de ceux-ci, la condition de distinctivité de la marque n’est pas remplie.

D’autre part, la Cour de cassation s’est prononcée sur les critères d’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre une marque et une dénomination sociale. En effet, la dénomination sociale constitue une antériorité susceptible de faire échec à une demande d’enregistrement de marque, en vertu de l’article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la transposition du « Paquet marque ». L’arrêt rendu par la Cour de cassation est l’occasion de rappeler que l’appréciation du risque de confusion s’effectue en fonction des seuls produits et services désignés dans l’enregistrement de la marque, sans tenir compte de l’activité réellement exercée par le titulaire de celle-ci. Il convient de rappeler qu’a contrario, s’agissant des dénominations sociales, le risque de confusion est apprécié en fonction des activités réellement exercées sous cette dénomination et non pas en fonction des activités désignées dans les statuts de la société (Cass. com., 10/07/2012, n°08-12.010, Bull. 2012, IV, n° 154). Lorsque la comparaison porte sur une marque par rapport à une dénomination sociale, il faudra donc se référer pour la marque aux produits et services désignés dans son enregistrement, et, pour la dénomination sociale, aux activités réellement exercées par la société.

Conseil : avant de déposer une marque ou d’exploiter une dénomination sociale, une étude de disponibilité du signe s’avère particulièrement utile. De même, une étude de la distinctivité d’une marque permet une sécurité sur sa validité, bien que l’aléa sur l’appréciation de ces conditions de validité existe.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Clémence LARGERON
Marine COMTE