La seule constatation de l’absence de gérant ne peut justifier la désignation d’un administrateur provisoire dès lors qu’aucune paralysie dans le fonctionnement de la société n’est démontrée.
Dans un arrêt récent, la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a eu à connaître d’un litige concernant trois associés ayant constitués une société civile immobilière et une société civile de moyens, l’un d’eux ayant été désigné gérant de ces sociétés pour une durée limitée à deux ans. A l’issue de cette période de deux ans, aucun nouveau gérant n’avait été désigné. L’un des associés avait alors obtenu judiciairement la désignation d’un administrateur provisoire chargé de représenter les sociétés dans la procédure de dissolution qu’il entendait engager contre elles pour mésentente avec ses coassociés et de les gérer jusqu’à l’achèvement de cette procédure.
Une Cour d’appel avait validé cette désignation en retenant que la vacance de la gérance constitue un dysfonctionnement grave et qu’au surplus l’administrateur provisoire confirmait la mésentente.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel en considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si la société ne fonctionnait pas sans difficulté malgré l’absence de gérant de droit.
En l’espèce, l’existence d’une telle paralysie n’était pas établie et les juges d’appel auraient dû rechercher si, en l’absence de gérant de droit, les sociétés n’avaient pas continué à fonctionner « dans les faits » sans difficulté, notamment grâce aux initiatives de l’un ou l’autre des associés. Le fonctionnement normal des sociétés aurait pu également résulter de l’activité d’un gérant de fait. Si les sociétés avaient continué à fonctionner sans difficulté, l’associé aurait pu demander la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de faire désigner un nouveau gérant par les associés.
(Cass. 3e civ. 16-11-2017 n° 16-23.685 F-D)
Emmanuel MAITRE, Serge VICENTE et Simon POLGE