La mise à pied d’un salarié prononcée par son employeur peut revêtir un caractère conservatoire ou disciplinaire.

Dans le premier cas, il s’agit d’une mesure de procédure aboutissant à l’éloignement temporaire du salarié de l’entreprise permettant de prévenir les situations de danger en raison de la faute de l’employé dans l’attente de la décision à venir.

Dans le second cas, la mise à pied constitue à une sanction prise en réaction à une faute du salarié. Or, les principes non bis in idem et de non-cumul des sanctions empêchent le salarié d’être sanctionné deux fois pour la même faute. En conséquence, un salarié ne peut pas subir une mise à pied disciplinaire puis être licencié, ni même sanctionné, pour la même faute.

Ceci étant, la distinction entre la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire est parfois délicate. L’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 14 avril 2021 (pourvoi n° 20-12.920) vient apporter des précisions sur ce point.

Gardant le cap de sa ligne jurisprudentielle, la Haute juridiction affirme qu’une mise à pied prononcée dans l’attente d’un licenciement disciplinaire revêt le caractère d’une sanction si elle n’a pas été immédiatement suivie de l’engagement de la procédure de licenciement. L’existence d’une première sanction empêche alors de facto de procéder au licenciement du salarié en réaction à la faute ayant conduit à sa mise à pied disciplinaire. Demeure une exception si l’employeur justifie la nécessité d’un décalage entre le prononcé de la mise à pied et l’engagement de la procédure de licenciement.

En l’espèce, la procédure de licenciement pour faute grave avait été engagée sept jours après la notification de la mise à pied sans que l’employeur ne fournisse aucun motif tenant à ce délai. Le salarié estime alors que l’engagement de la procédure de licenciement étant trop tardif, la mise à pied a un caractère disciplinaire, de sorte que le licenciement prononcé pour les mêmes faits est sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel estime néanmoins que les faits allégués justifient un licenciement pour faute grave en estimant que le délai de quatre jours non travaillés entre le prononcé de la mise à pied et la notification de l’entretien préalable n’est pas de nature à remettre en cause son caractère conservatoire. A l’inverse, précisant qu’il n’y pas lieu de faire une distinction entre jours travaillés et jours non travaillés pour calculer le délai entre le prononcé de la mise à pied et le déclenchement de la procédure de licenciement, la Cour de cassation affirme que la mesure de mise à pied doit être considéré comme ayant un caractère disciplinaire, sauf à ce que l’employeur ne justifie le délai d’attente. Dès lors, le licenciement notifié sur le fondement des mêmes faits est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

Conseil : pour éviter toute discussion à ce titre, il est préférable de notifier la mise à pied à titre conservatoire et d’initier la procédure disciplinaire le même jour. Le plus simple consiste alors à convoquer le salarié à un entretien préalable en précisant la mise à pied à titre conservatoire dans la convocation.

Me Sophie WATTEL, Avocat spécialiste en droit du travail
Camille MOUTOUS, Stagiaire