La répartition des droits de vote est organisée par la loi (article 1844 du code civil)… sauf aménagement par les statuts !

L’article 1844 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 19 juillet 2019, dispose en ses alinéas 3 et 4 que « (…) Si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier.

Les statuts peuvent déroger aux dispositions du deuxième alinéa et de la seconde phrase du troisième alinéa. »

Tant le nu propriétaire que l’usufruitier ont donc le droit de participer aux décisions collectives. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils disposent tous deux du droit de voter.

La loi prévoit à ce titre que l’usufruitier ne bénéficie du droit de vote que concernant les décisions d’affectation des bénéfices. La rédaction est très précise et le droit de vote de l’usufruitier ne concerne donc même pas globalement l’affectation des résultats, mais ce n’est pas le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, nous pourrons y revenir lors d’une prochaine parution.

En effet, la loi précise immédiatement que les statuts peuvent aménager cette répartition du droit de vote. La seule limite semble être de ne pas priver l’usufruitier de son droit de voter l’affectation des bénéfices.

Par une décision du 13 janvier 2021, (Cass com 13/01/2021, N° 19-13.399 F-D), la chambre commerciale de la cour de cassation a eu l’occasion de rappeler la très forte portée juridique de l’aménagement statutaire lorsqu’il est prévu, même rédigé de manière imprécise ou maladroite.

Si l’arrêt de la cour a été adopté à l’occasion d’une contestation d’une décision des décisions d’associés de société civile antérieure à la réforme du droit des sociétés de juillet 2019, il n’en demeure pas moins que la solution nous semble continuer à présenter un intérêt depuis ladite réforme.

Dans le cas d’espèce, les statuts ne visaient pas directement la répartition du droit de vote, mais le bénéficiaire du droit de communication, dont il était précisé qu’il bénéficiait au nu propriétaire pour les décisions extraordinaires, et à l’usufruitier pour les décisions ordinaires.

La cour a considéré qu’il était possible d’en déduire que le droit de vote devait suivre la même répartition que le droit de communication.

Certes l’apport de cette décision au droit positif n’est pas phénoménal, mais elle a le mérite de démontrer la très forte portée juridique qui est attachée aux dispositions statutaires régissant la répartition des droits de vote.

En conclusion : dès lors que les titres d’une société font l’objet d’un démembrement, par exemple suite à une transmission familiale par donation, ou encore suite à une succession, il est absolument impératif de s’interroger sur la pertinence des dispositions statutaires et les adaptations très larges qui peuvent être prévues afin d’aménager les droits de vote de l’usufruitier et du nu propriétaire, de manière très fine, par exemple selon le type de décisions soumises aux associés et le pouvoir que souhaitent conserver les usufruitiers (en général les parents suite à une donation de titres avec réserve d’usufruit).

Me Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des Sociétés
Me Serge VICENTE, avocat,
Me Simon POLGE, avocat.