Par deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 juin 2024, la Cour de cassation a caractérisé du parasitisme économique constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil en clarifiant la définition de celui-ci, laquelle est basée sur des principes relatifs à cette notion qu’elle avait d’ores et déjà édicté (Cass. com., 26/06/2024 n°23-14.086 et 23-13.535).

La Cour de cassation rappelle que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive, mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence.

Néanmoins, elle considère que : « le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indument profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise et des investissements consentis. »

Par ces arrêts, la Cour de cassation précise également qu’il appartient à celui qui se prétend victime d’acte de parasitisme d’identifier la valeur économique individualisée qu’il invoque. Le savoir-faire et les efforts humains et financiers propres à caractériser une valeur économique identifiée et individualisée ne peuvent se déduire de la seule longévité et du succès de la commercialisation du produit.

La Cour de cassation réalise un travail d’appréciation des faits permettant de caractériser la faute de parasitisme des société concurrentes en démontrant l’existence de deux éléments, d’une part, la valeur économique identifiée et individualisée des fruits de l’investissement de la société qui développe le produit litigieux et d’autre part, le placement des sociétés concurrentes dans le sillage de celle-ci.

Dans un premier arrêt, relatif à DECATHLON, la Cour de cassation réalise un travail d’appréciation des faits permettant de caractériser la faute de parasitisme des société PHOENIX et INTERSPORT en démontrant l’existence de deux éléments :

  • d’une part, la valeur économique identifiée et individualisée des fruits de l’investissement de la société DECATHLON. Elle précise, à ce titre, les efforts des sociétés DECATHLON, c’est-à-dire la réalité du travail de conception et de développement sur une durée de trois ans pour un montant total de 350.000 €, le caractère innovant de la démarche conduite par celle-ci, ainsi que des investissements publicitaires de plus de 3.000.000 € et un chiffre d’affaires de plus de 73.000.000 € entre mai 2014 et novembre 2018 généré par la vente de ce produit, de sorte que le masque « easybreath » constituait une vraie valeur économique identifiée et individualisée.
  • d’autre part, le placement des sociétés PHOENIX et INTERSPORT dans le sillage de la société DECATHLON. Elle relève, à ce titre, que les sociétés PHOENIX et INTERSPORT ne justifient d’aucun travail de mise au point ni de coûts exposés relatifs à leur propre produit.

En conséquence, la Cour de cassation en déduit que les masques identiques d’un point de vue fonctionnel, mais aussi fortement inspiré de l’apparence du masque « easybreath », a permis aux sociétés PHOENIX et INTERSPORT de bénéficier sans aucune contrepartie ni prise de risque un avantage concurrentiel et caractérisé de la volonté de ces dernières de se placer dans le sillage de la société DECATHLON pour bénéficier du succès rencontré.

En revanche, dans un second arrêt, relatif à MAISON DU MONDE, la Cour de cassation a jugé que la première condition n’était pas remplie puisqu’« en créant et commercialisant la toile « pub 50’s », la société MAISON DU MONDE n’a pas produit une valeur économique identifiée et individualisée », de sorte que la Cour d’appel en a exactement retenu qu’aucun acte de parasitisme économique avait été commis. Elle n’a donc pas eu besoin d’analyser la question de savoir si la société concurrente s’était placée dans le sillage de la société MAISON DU MONDE.

Ainsi, pour obtenir la condamnation d’une personne pour des actes de parasitisme économique, il ne suffit pas de démontrer que celle-ci s’est placée dans le sillage d’une autre, mais il est nécessaire d’établir qu’elle a tiré indûment profit de ses efforts, son savoir-faire, de la notoriété acquise ou de ses investissements en établissant la valeur économique individualisée invoquée.

Jean-Pascal CHAZAL, Avocat spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Clémence LARGERON, Avocat en droit commercial
Marine COMTE, Avocat en droit commercial