Le mécanisme des places de marché en ligne, par lequel des vendeurs proposent à la vente des produits sur un site internet exploité par un tiers, pose un certain nombre de difficultés juridiques.

Notamment, lorsque les vendeurs proposent des produits contrefaisant une marque enregistrée, la question de la responsabilité de l’exploitant de la place de marché en ligne se pose. L’exploitant de la place de marché en ligne, par le biais de laquelle les produits contrefaisants sont proposés, fait-il usage des marques contrefaites, et partant est-il lui-même contrefacteur ?

La CJUE avait exclu l’atteinte aux droits du titulaire d’une marque par l’exploitant d’une place de marché en ligne lorsque l’usage contrefaisant d’une marque était fait par les vendeurs, en lien contractuel avec l’exploitant de la place de marché (CJUE, 12/07/2011, C324/09, L’Oréal), et lorsque l’exploitant entreposait pour un tiers des produits contrefaisants sans avoir connaissance de l’atteinte aux droits du titulaire de la marque (CJUE, /02/04/2020, C-567/18, Amazon).

Dans des circonstances bien particulières, la CJUE a récemment rendu une décision dans laquelle elle reconnait que l’exploitant d’une place de marché en ligne peut être considéré comme faisant usage d’une marque sans l’autorisation de son titulaire (CJUE, 22/12/2022, C-148/21 et C184/21, Amazon c. Christian Louboutin). Or, un tel usage, sans autorisation du titulaire d’une marque constitue un acte de contrefaçon.

Les circonstances en question sont celles dans lesquelles l’exploitant a créé une confusion avec le vendeur, de sorte que l’utilisateur de la place de marché en ligne pouvait penser que l’exploitant était à l’origine de l’usage de la marque, lorsqu’il avait : « recourt à un mode de présentation uniforme des offres publiées sur son site Internet, affichant en même temps les annonces relatives aux produits qu’il vend en son nom et pour son propre compte et celles relatives à des produits proposés par des vendeurs tiers sur ladite place de marché, qu’il fait apparaître son propre logo de distributeur renommé sur l’ensemble de ces annonces et qu’il offre aux vendeurs tiers, dans le cadre de la commercialisation des produits revêtus du signe en cause, des services complémentaires consistant notamment dans le stockage et l’expédition de ces produits ».

Sans que les précédentes décisions rendues par la CJUE ne soient remises en cause, il est désormais admis que les exploitants de places de marché en ligne font usage d’un signe identique à une marque enregistrée notamment lorsque l’utilisateur de la place de marché en ligne a l’impression que c’est l’exploitant de ladite place de marché qui commercialise lui-même les produits revêtus du signe contrefait, alors que lesdits produits ont été proposés à la vente par des vendeurs tiers.

Conseil : les exploitants des places de marchés en ligne doivent être vigilants, et doivent éviter de créer toute confusion avec les vendeurs, sans quoi ils pourraient être tenu responsables d’actes contrefaisants en raison de l’apparence ainsi créée.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial
Marine COMTE, avocat en droit commercial