Le contentieux relatif à la condition suspensive d’octroi d’un prêt stipulée dans une promesse de vente est fourni. L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 janvier 2021 contribue à l’alimenter (Cass. civ. 3ème, 14/01/2021, n°20-11.224, F-P).

Dans cet arrêt, une vente immobilière a été conclue sous condition suspensive d’obtention d’un prêt à hauteur de 725.000 euros. Pour justifier de cette obtention, les acquéreurs ont fourni l’offre de prêt émise par la banque pour un montant de 539.900 euros, soit un montant inférieur à celui stipulé dans la condition, tout en réaffirmant leur volonté de recourir à l’achat du bien.

La Cour d’appel avait jugé que les acquéreurs n’avaient alors pas justifié de la réalisation de la condition suspensive dans le respect des caractéristiques du prêt stipulé. Ainsi, la promesse devenait caduque. La Cour de cassation casse et annule cet arrêt en considérant « qu’un prêt accordé pour un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles ».

A première vue, l’arrêt du 14 janvier 2021 parait s’éloigner de la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation. En effet, cette juridiction a déjà jugé que la condition suspensive était réputée accomplie si les acquéreurs sollicitaient un prêt pour un montant supérieur à celui stipulé dans la condition suspensive (Cass. civ. 3ème, 13/02/2020, n°19-12.240). De même, la Cour de cassation a considéré que la demande de prêt fixée à un taux plus bas que celui indiqué dans la condition suspensive ou pour une durée inférieure ne correspondait pas aux caractéristiques de ladite condition (Cass. civ. 3ème, 20/11/2013, n°12- 29.021 ; Cass. civ. 3ème, 17/10/2019, n°17-21.859).

La sanction d’une demande de prêt non conforme à la condition suspensive est particulièrement dangereuse dans la mesure où la condition sera réputée accomplie, et donc le contrat de vente sera conclu alors même que l’acquéreur n’aura pas obtenu de financement (article 1304-3 du Code civil).

Toutefois, ces solutions s’inscrivent dans des situations bien différentes de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 14 janvier 2021.

D’une part, dans l’arrêt de 2021 les acquéreurs avaient obtenu une offre de prêt pour un montant inférieur à celui stipulé dans la condition, mais avaient tout de même fait le choix de contracter. Ils ont donc renoncé à la condition suspensive, laquelle était stipulée dans leur intérêt exclusif (article 1304-4 du Code civil). Dans les autres affaires susmentionnées, les acquéreurs qui n’avaient pas obtenu leur prêt n’avaient pas renoncé à se prévaloir de la condition suspensive.

D’autre part, et logiquement, un acquéreur ne pourrait se délier de la condition suspensive en sollicitant un prêt dans des conditions moins avantageuses pour la banque dans le seul objectif de la faire défaillir et de se délier de son engagement. C’est pourquoi, les juridictions réputent accomplies les conditions suspensives si l’acquéreur a effectué une demande de prêt pour un montant supérieur ou un taux d’intérêt inférieur à celui déterminé dans la convention. Toutefois, dans l’hypothèse où les caractéristiques de la demande de prêt présentée par les acquéreurs serait plus favorable que celles décrites dans la condition, par exemples lorsqu’ils font une demande pour un montant inférieur, il n’y a pas de raison de considérer que la condition a défaillie. Et ce, d’autant plus si la demande a été acceptée, ce qui était le cas dans l’arrêt objet de la présente étude.

Conseil : il faut veiller à la rédaction de la clause de condition suspensive d’obtention d’un prêt dans le cadre d’une promesse de vente. En effet, si les caractéristiques du prêt y sont détaillées, les demandes en vue d’obtenir ledit prêt devront s’y conformer, au risque pour les acquéreurs de se voir dans l’obligation de conclure un contrat de vente sans financement. En revanche, si les acquéreurs présentent une demande de prêt plus favorable pour la banque et qu’elle refuse de leur accorder, la condition sera défaillie sans qu’une faute ne soit retenue à l’égard des acquéreurs.

Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en droit commercial,
Clémence LARGERON,
Marine COMTE.