Dans un arrêt rendu le 27 mars 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle les règles relatives aux déclarations de créance dans le cadre des procédures collectives (Cass. com., 27/03/2024, n°22-21.016).

A titre liminaire, il est rappelé que conformément aux articles L.622-24 et suivants du Code de commerce, les créanciers doivent déclarer leurs créances antérieures dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. A défaut, ils sont forclos et ne peuvent en être relevées que s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur fait ou si elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers prévue à l’article L.622-6 du Code de commerce. Depuis la réforme de 2005, on considère que le débiteur déclare les créances au nom et pour le compte des créanciers.

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un débiteur, après avoir établie la liste des créanciers prévue à l’article L.622-6 du Code de commerce, l’avait régularisée en ajoutant une créance qu’il avait omise. Cette régularisation a eu lieu hors du délai qui lui était octroyé pour transmettre la liste des créanciers (huit jours après le jugement d’ouverture) mais dans le délai légal des déclarations de créance (deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC). Le créancier soutenait que le montant indiqué par le débiteur était inférieur à sa créance. Le délai légal relatif aux déclarations de créance ayant dû expirer, il a présenté au juge-commissaire de la procédure collective une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer sa créance.

La Cour d’appel saisi du litige avait considéré qu’il y avait lieu de prononcer un relevé de forclusion automatique dans la mesure où le débiteur avait omis de mentionner la créance concernée dans la première liste qu’il avait transmise, et qu’il ne l’avait régularisé que postérieurement.

La Cour de cassation casse et annule cet arrêt. Elle rappelle qu’il résulte de l’article L.622-24 du Code de commerce que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa déclaration de créance, et ce même si la liste des créanciers a été communiquée au-delà des délais fixés pour le faire (délai de huit jours). Ainsi, le créancier qui souhaite déclarer plus que le montant indiqué par le débiteur ne pourra être relevé de forclusion que s’il démontrer que sa défaillance n’est pas due à son fait.

Il résulte de cet arrêt qu’une créance peut être portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur dans le délai de déclaration des créances qui est de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, quand bien même elle n’aurait pas été mentionnée dans la liste que doit établir le débiteur dans un délai de huit jours à compter du jugement d’ouverture. Dans ce cas, le débiteur a déclaré la créance au nom et pour le compte du créancier, de sorte qu’il ne l’a pas omise. C’est pourquoi, si un créancier souhaite ajouter un montant complémentaire, il doit le faire dans le même délai de déclaration. A défaut, il ne peut être relevé de forclusion qu’en démontrant que sa défaillance n’est pas due à sa faute, et ne peut bénéficier du relevé de forclusion prévue en cas d’omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers (puisque qu’il ne s’agit pas d’une omission).

Conseil : malgré la nouvelle règle issue de la réforme de 2005 selon laquelle le débiteur déclare au nom et pour le compte du créancier sa créance, nous ne pouvons que conseiller auxdits créanciers de procéder à leur propre déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC. En toutes hypothèses, il convient d’être vigilant quant au respect du délai de deux mois pour déclarer une créance et/ou rectifier la créance qui a été portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur lui-même.

Me Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en Droit commercial, des affaires et de la concurrence
Me Marine COMTE, avocat en droit commercial